Né de la scission du MTLD, le FLN a contribué à la diffusion d'un modèle de mouvement politique jusque-là inédit. Il a rassemblé une partie de ses militants qui appartenaient à son organisation paramilitaire, OS. Il s'est étoffé après l'insurrection, en constituant par le haut un bloc d'élites issu des groupes privilégiés petits bourgeois et bourgeois, plus ou moins intégrés dans le système colonial et s'appuyant sur une masse émanant de la plèbe urbaine et rurale. Cette alliance imposée par les circonstances s'inscrit dans le cadre de ce que Gramsci appelle "une révolution passive, c'est-à-dire, une révolution conduite suivant des modalités faisant obstacle à la formation d'une conscience populaire, nationale, répandue et opérante. Les élites s'appuyant sur l'intervention populaire sans que celle-ci ne pèse sur les objectifs du mouvement". Les hommes qui ont pris le pouvoir en 1962, qu'ils viennent du maquis ou de l'armée des frontières, ont enfermé la résistance de tout le peuple algérien dans un paradigme, celui de la lutte armée. L'événement du 1er Novembre, défini hier comme étant l'an 1 d'une révolution, un événement fondateur, peut nous apparaître aujourd'hui comme le prélude d'un régime militaire. D'où plusieurs conséquences telles la négation du conflit social, comme instrument de régulation de la vie politique, la négation de la diversité sociale et culturelle, la trahison des promesses démocratiques, en un mot : la mort du politique et l'absence d'une société civile. Ce régime militaire s'est approprié la souveraineté sur le pays et sur ses ressources. La plupart des officiers sont convaincus d'être investis d'une mission : rétablir l'ordre et sauver la patrie des idéologies étrangères, "marxisme, nassérisme et baâthisme". Or "l'ordre dans l'armée, c'est la discipline, le respect des règles disciplinaires et bien sûr l'absence de prise de position et d'engagements politiques" autant de comportements qui, le putsch du 19 juin consommé, sont exigés des échelons inférieurs de l'ANP. Le pouvoir du commandement sera dès lors dictatorial. Nous assistons aujourd'hui à sa mise en place. C'est à ce pouvoir de prouver que nous nous trompons. Chacun sait que le FLN n'a été qu'un écran à la militarisation de l'Etat. Chacun sait que l'Algérie est entrée dans la sphère capitaliste en 1830. Elle n'en est jamais sortie. L'ouverture vers le socialisme est mort-née. Le mouvement citoyen hirak est une réaction venue d'en bas contre la dépossession et l'oppression. Quelles que soient ses limites, il est aujourd'hui porteur de nos espoirs. Les revendications démocratiques énoncées en juin 1936 au Stade municipal d'Alger au nom de l'Etoile Nord-Africaine par Messali, approuvées par acclamation par l'assistance, face aux leaders du Congrès musulman partisans du rattachement à la France (Ben Djelloul, Ben Badis, Ferhat Abbas, Dr Saâdane, Ouzeggane, Cheikh El-Okbi), sont toujours d'actualité.