Les expatriés ont tenu à communier avec leurs compatriotes en Algérie et à exprimer leur rejet de l'élection du 12 décembre prochain. Il était impossible de les compter, tant ils étaient nombreux hier entre la place de la République et la place de la Bastille. En rangs serrés, des milliers d'Algériens ont marché à Paris, pour joindre leurs voix à celles de leurs compatriotes qui défilaient au même moment dans toutes les villes d'Algérie. "Mon cœur est à Alger. Il vibre pour ces vaillants manifestants qui continuent à braver les interdictions, les check-point, les cordons policiers et les menaces d'arrestation pour délivrer l'Algérie des tyrans et des malfrats", a confié Ali, l'allure fière et déterminée. Drapé dans le drapeau national et l'emblème amazigh, il a rejoint la place de la République dans la matinée, impatient de donner de la voix pour demander le départ du système. "Le monde fait semblant de ne pas nous entendre et de ne pas prendre au sérieux notre révolution. L'histoire montre pourtant que nous avons toujours été en mesure de forcer le destin", a souligné Ali, révélant avoir perdu un frère, chahid, pendant la guerre de Libération nationale. Nna Dahbia est également une victime collatérale de la révolution de Novembre 1954. Son mari a été tué au maquis, la laissant seule avec cinq enfants. Aujourd'hui, elle pleure le pays pour lequel des millions de personnes se sont sacrifiées. "Ils l'ont pillé en usurpant le titre de moudjahid. Ce sont des traîtres. Le peuple doit les chasser", a fait savoir la vieille dame, avant de se fondre dans la foule des marcheurs, escortée par ses enfants et ses petits-enfants. Sous le ciel gris de Paris, les drapeaux, les banderoles et les costumes traditionnels de plusieurs manifestantes étaient autant de touches de couleur qui ont transformé le défilé en grande kermesse. À certains endroits, la marche prenait inévitablement un cachet plus solennel. Min Djibalina a retenti, avec d'autres chants patriotiques qui ont galvanisé la procession des manifestants. Les marcheurs ont également repris en chœur les slogans des manifestations en Algérie. Un peu plus loin, des jeunes soulignaient que "Makanch intikhabat mâa l'îssabat" (Pas d'élection avec la bande). D'autres expatriés ont tenu à marcher en brandissant des portraits de détenus pour leur rendre hommage et prendre à témoin le monde sur la répression qui s'abat sur les manifestants en Algérie. "La rage me saisit en pensant à Bouregâa, un héros de la Révolution qui dort en prison avec des dizaines de jeunes innocents", s'est élevé Mohamed, représentant de l'Union des étudiants algériens de France (Ueaf). Après avoir bloqué pendant quelques instants la place de la Bastille, les manifestants se sont dispersés dans le calme. Les différents collectifs qui ont appelé au défilé d'hier se sont, pour leur part, donné rendez-vous pour d'autres actions dans les jours à venir, dont un meeting international de solidarité avec le peuple algérien, prévu le 9 novembre prochain.