Le verdict du procès de cinq détenus pour port du drapeau amazigh, jugés le 23 octobre dernier par le tribunal de Baïnem, est, encore une fois, reporté pour la semaine prochaine. Ali Idir, Boudjemil Mohand, Karoun Hamza, Belakhal Kamal et Okbi Akli resteront donc en prison, même si rien n'indique que la décision de la justice sera la relaxe. Hier, les familles de ces détenus étaient encore sur place, dans l'espoir de voir leurs enfants libérés, ou du moins, savoir ce qu'a décidé la justice dans cette affaire qui traîne depuis plus de 4 mois. Le juge, visiblement perturbé, a annoncé le report qu'il a motivé par "les effets de la grève des magistrats" qui a duré une dizaine de jours. "Les affaires d'instruction qui étaient mises en délibéré sont maintenues à l'examen pour cause des perturbations dues à la grève", a dit le juge, qui a, néanmoins, rendu des verdicts dans d'autres affaires dont les prévenus ont été libérés. La réaction des familles des détenus et des dizaines de citoyens présents au tribunal de Baïnem était prévisible. L'annonce faite par le juge a fini de briser "l'enthousiasme" de certains qui s'attendaient à l'annonce du verdict, maintenant que les magistrats ont mis fin à leur débrayage. "Nos enfants vont passer une semaine de plus en prison sans savoir ce qu'une justice aux ordres a décidé à leur encontre", s'est emportée la mère d'un détenu. Les avocats présents, à savoir Me Djerdjar, Me Lerari et Me Sadat, ont tous indiqué que cette décision est énigmatique. Me Leïla Djerdjar a estimé que le fait d'annoncer le report sans la présence des accusés "est un vice de procédure". Elle a expliqué que le code de procédure pénale dans son article 355 exige la présence des accusés, ce qui n'a pas été le cas pour les 5 détenus. Me Fetta Sadat a, quant à elle, précisé que "l'argument avancé par le juge est fallacieux et fragile", soulignant que "cela nous effraie", d'autant plus que l'affaire a été jugée depuis deux semaines. Elle a ajouté, par ailleurs, que "le juge est censé étudier le dossier avant le procès". Ce qui rend caduc l'argument qu'il a avancé. Indépendamment de ce report inexpliqué auquel beaucoup de citoyens et même des familles s'attendaient, compte-tenu de la décision du tribunal de Sidi M'hamed tombée la veille, soit avant-hier mardi, cet ajournement a provoqué l'ire des présents qui ne voulaient pas quitter le tribunal. Il aura fallu l'intervention de la police pour déloger les manifestants qui criaient leur colère et leur indignation face à "une justice du téléphone". "Pouvoir assassin", "Libérez nos enfants, ils sont innocents", "Jugez les voleurs et les criminels", "Juges, vous êtes la honte", tels sont, entre autres, les slogans qu'ils ont scandés à tue-tête, avant que la police n'intervienne. "Les dictateurs n'ont même pas ramené mon fils au tribunal pour que je puisse le voir", dénonçait en sanglotant la mère d'un détenu.