Ils étaient, certes, moins nombreux que le 37e vendredi qui a coïncidé avec la date historique du 1er Novembre, mais ils étaient encore plus d'une centaine de milliers de manifestants à descendre dans la rue avec autant de détermination que la semaine dernière pour crier haut et fort autant d'anciens que de nouveaux slogans adaptés aux nouveaux développements qu'a connus la scène politique nationale. La marée humaine d'hier a entamé sa marche depuis l'université de Tizi Ouzou en exprimant sa colère contre les magistrats qui ont effectué un revirement spectaculaire en mettant fin à leur grève, après avoir fait croire pendant dix jours qu'ils allaient se battre jusqu'au bout pour l'indépendance de la justice. "Ya lil âar, ya lil âar, el qadhi yetbaâ be dinar", scandait la foule à tue-tête. Dans un imposant carré avançant sur la route de l'hôpital, les manifestants, tout en brandissant des billets de banque, scandaient encore : "Dhasourdi ken ithnirhan, la justice oulach lamen" (Y a que l'argent qui les intéresse, plus jamais de confiance en la justice). Sur une large pancarte, une des rares brandies en cette journée de grosses pluies, on pouvait lire "Messieurs les magistrats, l'argent ne fait pas le bonheur". Outre ces slogans adressés aux magistrats, c'est le slogan réclamant un Etat civil qui a connu, hier, un retour en force dans la rue. À la tête d'un carré, on pouvait lire sur une large banderole : "Primauté du politique sur le militaire", avec d'un côté le portrait d'Abane Ramdane et de l'autre celui de Larbi Ben M'hidi. Cela dit, la foule n'a pas omis les autres habituels slogans rejetant l'élection présidentielle puisque les "Ulac l'vote ulac" et "Makanch intikhabat ya l'îssabat" étaient très souvent scandés ou portés sur les banderoles. Il en était de même pour la revendication d'une transition démocratique qui a été mille et une fois exprimée à travers le slogan "Siyada li chaâb, marhala intiqalia" et également pour celle de la libération des détenus d'opinion exprimée par le slogan "Libérez les otages, libérez les détenus", qui a été scandé partout et écrit sur des pancartes et les banderoles déployées aux côtés des nombreux portraits de détenus d'opinion et d'activistes du hirak arbitrairement emprisonnés. Sur certaines pancartes encore, on pouvait lire des messages appelant les artistes et la famille sportive à rejoindre le mouvement populaire ou encore des messages louant l'union du peuple, sa maturité, son endurance et sa détermination à faire chuter le régime et à faire de son élection "un véritable fiasco". À noter qu'au centre-ville de Tizi Ouzou une minute de silence a été observée à la mémoire des trois soldats tués dans une opération terroriste. Samir LESLOUS