Parmi les nouveautés présentées au Salon international du livre d'Alger (Sila 2019), figurait le dernier roman de Kaouther Adimi, Les petits de Décembre, paru aux éditions du Seuil (France) et Barzakh (Algérie). L'auteure tisse sa trame autour du mouvement des jeunes de la Cité du 11-Décembre 1960 qui ont décidé de défendre un terrain vague utilisé depuis longtemps pour jouer au football, chacun rêvant sans doute de devenir un Belloumi, Mahrez et, pourquoi pas, Zidane ou Ronaldo. Une mauvaise tournure des évènements vient briser leurs espérances. Deux généraux (la cupidité n'ayant ni couleur, ni profession, ni limites, il aurait pu tout aussi bien s'agir d'entrepreneurs puissants, de fonctionnaires véreux ou d'importateurs arrivistes richissimes), documents à l'appui, revendiquent la propriété du terrain vague où ils envisagent d'édifier des villas. Qu'ils possèdent ou non un acte de propriété authentique sur ce terrain, ces individus, ainsi que les pouvoirs publics, ont manqué de lucidité en voulant "enlever" l'unique lieu de loisirs à des jeunes soumis à la mal vie des cités. Des personnes perspicaces et raisonnables (en existe-t-il dans ces milieux ?) auraient recherché une solution dans la compensation des propriétaires supposés par un autre terrain si le premier s'avèrerait être réellement leur bien. Mais si, comme le suggère le récit de Kaouther Adimi, la "récupération" du terrain vague serait assimilable à de l'accaparement par des personnages puissants, cela relèverait de pratiques maffieuses que le roman veut dénoncer en mettant en évidence l'image de jeunes décidés à leur opposer une résistance farouche. Le roman se voudrait une "métaphore de l'Algérie" livrée aux appétits d'individus qui se sont enrichis rapidement et qui s'adonnent à des pratiques illicites pour accumuler plus d'argent au détriment de la population, particulièrement de ses franges les plus fragiles. Comme tout serait lié, la plume de l'auteure taille en pièce une gouvernance incapable de canaliser les eaux de pluie qui provoquent des inondations ou de réguler une circulation automobile devenue le cauchemar des Algériens. Une gouvernance défaillante engendre toutes sortes d'injustices, suggère le roman de Kaouther Adimi. Alors que les routes des quartiers populaires sont cahoteuses, boueuses ou poussiéreuses, celles qui mènent vers les quartiers huppés sont toutes goudronnées. L'engagement des Petits de Décembre- évocation des évènements glorieux du 11 Décembre 1960- est le symbole de l'esprit de résistance qui anime la jeunesse algérienne contre l'injustice, la corruption et les privations de liberté. Les réseaux sociaux constituent un champ d'expression privilégié pour les jeunes qui s'en donnent à cœur joie. Dans son livre, Kaouther Adimi rappelle les épreuves subies par les Algériens lors d'évènements historiques comme la guerre de Libération nationale ou la décennie noire, une façon de montrer l'itinéraire d'un pays, de sa population et surtout de sa jeunesse qui rêve d'un avenir meilleur. Née en 1986 à Alger, Kaouther Adimi vit et travaille à Paris. Son premier roman, L'envers des autres (Actes Sud, et Barzakh 2011) a obtenu le prix de la Vocation. Des pierres dans ma poche (Seuil, Barzakh 2016), a été bien reçu par la critique. Ce dernier roman, Les petits de Décembre, était sélectionné pour le Prix Landernau des Lecteurs pour 2019.
ALI BEDRICI Les petits de Décembre, roman de Kaouther Adimi, éditions Barzakh, 252 pages, 800 DA.