La direction des affaires religieuses et des waqfs de Tizi Ouzou a transmis aux imams de la wilaya une note d'information les invitant à consacrer le prêche d'hier vendredi à "l'amour de la patrie" et à l'obligation "de sa préservation et de son renforcement". D'apparence anodine et d'ordre strictement religieux, cette note laisse aisément deviner un appel à l'implication de la mosquée dans les jeux politiques en cours. En ce sens qu'elle intervient à la veille du lancement de la campagne pour l'élection présidentielle du 12 décembre prochain. Surtout qu'elle intervient en droite ligne de la déclaration, lundi dernier, du ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Youcef Belmehdi, selon laquelle la mosquée algérienne allait avoir un rôle central dans la campagne électorale et que les imams allaient contribuer au bon déroulement du scrutin présidentiel de décembre 2019. Le ministre a, en effet, estimé que "la cohésion entre le discours religieux et le discours nationaliste, qui apparaît lors des différentes phases de l'histoire, a contribué à une prise de conscience ayant permis de surmonter les crises et difficultés traversées par le pays". "L'Algérie affronte aujourd'hui de grands défis dans la construction de ses institutions conformément aux revendications populaires", a-t-il ajouté. Le ministre a affirmé, à ce propos, que la mosquée est une institution qui a "toujours combattu la violence et la haine" et que "les imams doivent inciter les pratiquants à rester pacifiques et civilisés à travers le vote". L'appel ainsi lancé à l'utilisation des mosquées à des fins politiques — ce qui est interdit par la loi — n'est pas une première pour le ministère des Affaires religieuses. On se rappelle, dans ce cadre, qu'au début du mouvement populaire, le 22 février dernier, une instruction avait été adressée à l'ensemble des imams du pays pour consacrer le prêche de ce vendredi-là à la mise en garde des fidèles contre les appels à manifester contre le 5e mandat de Bouteflika. Ce qui a fait sortir de ses gonds la Coordination nationale des imams d'Algérie qui avait appelé, dans un communiqué, à laisser les mosquées en dehors des luttes politiques et partisanes. Même les fidèles se sont élevés contre cette pratique : en effet, l'intrusion de la politique dans la religion est vue d'un mauvais œil par les fidèles, qui y voient une source de division et de "fitna", comme en témoignent les actions de protestation ayant eu pour théâtre notamment la rue Ferhat-Boussad (ex-Meissonier) à Alger, Béjaïa et Constantine où des fidèles ont quitté la mosquée juste avant la prière parce que l'imam avait évoqué le hadith qui interdit la désobéissance au gouvernant. Avant cette tentative d'amener les mosquées sur le terrain de la politique, les zaouïas avaient osé franchir le pas, en apportant leur soutien à un des cinq candidats à la présidentielle, Abdelmadjid Tebboune, en l'occurrence. A. R.