Le président du Conseil présidentiel et non pas moins chef du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), Fayez al-Serraj, a demandé hier à Moscou d'enquêter sur la présence de mercenaires russes aux côtés de Khalifa Haftar en Libye. La Libye est-elle en train de se transformer en un nouveau terrain de guerre diplomatique et militaire par procuration entre Washington et Moscou ? Tout porte à le croire, avec les déclarations d'un ancien diplomate américain, William Lawrence, affirmant que le nombre de mercenaire russes soutenant le controversé général Khalifa Haftar est passé de 200 à 1400, dans un entretien qu'il a accordé à la chaîne qatarie Al-Jazeera. Selon cet ancien diplomate spécialiste du monde arabe et du Moyen-Orient, "les mercenaires russes contrôlent de nombreux aspects des opérations militaires engagées par Khalifa Haftar", suscitant une forte inquiétude chez Washington concernant le soutien apporté par la Russie au chef de l'ANL, qui dépend des autorités parallèles de l'Est libyen, établies à Tobrouk. Ces nouvelles accusations américaines, via un ancien diplomate, interviennent au lendemain d'un tweet de l'ambassade des Etats-Unis à Tripoli qui sonne comme un lâchage par la Maison-Blanche de l'ancien général qui a toujours été considéré comme l'homme des Américains en Libye. "Les Etats-Unis appellent ‘l'Armée nationale libyenne' à mettre fin à son offensive sur Tripoli. Cela facilitera la poursuite de la coopération entre les Etats-Unis et la Libye afin de prévenir toute ingérence étrangère indue, de renforcer l'autorité légitime de l'Etat et de résoudre les problèmes à l'origine du conflit", avait écrit le 16 novembre dernier sur son compte tweeter l'ambassade américaine à Tripoli. Après avoir gardé très longtemps le silence sur les agressions régulières de l'ANL contre le GNA, sous-couvert de soutien à Haftar dans sa présumée lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis se sont replacés dans le camp des partisans d'une solution politique, sous l'égide de la communauté internationale. Ce revirement politique a été accompagné par une série de raids aériens contre les positions des groupes terroristes en Libye et un activisme diplomatique aussi bien à Tripoli qu'à Tunis et certaines capitales européennes directement impliquées dans le processus de sortie de crise libyen. Hasard du calendrier ou simple changement de stratégie sur la Libye, les accusations américaines sont interprétées par certaines parties libyennes et internationales comme un début d'affrontement diplomatique russo-américain en Libye, comme cela est le cas en Syrie et en Ukraine. Cette guerre va au-delà de la Libye, car les Etats-Unis veulent contrecarrer l'offensive diplomatique et économique russe sur l'ensemble du continent africain. Cette guerre par procuration risque ainsi de produire les mêmes effets qu'en Syrie et en Ukraine, pour ne citer que ces deux pays, que l'ingérence étrangère a réduits en ruines.