Les subventions indirectes en matière de consommation de gaz, d'électricité, d'eau et de carburant coûtent à l'Etat quelque 1800 milliards de dinars par an. n Le ministre des Finances, Mohamed Loukal, a affirmé, devant l'APN, que la réforme de l'aide sociale globale est impérative au regard du grand fardeau qu'elle constitue sur le budget de l'Etat. Le grand argentier du pays a fait savoir que la politique des subventions était en cours de révision par le gouvernement qui songe à revoir les subventions indirectes en matière de consommation de gaz, d'électricité, d'eau et de carburant qui coûtent à l'Etat quelque 1800 milliards de dinars par an. Le ministre a évoqué également 1700 milliards de dinars de subventions indirectes. Pour autant, M. Loukal a précisé que la réforme des transferts "est une opération longue, compliquée et sensible sur les plans économique et social, nécessitant un examen rigoureux pour définir ses répercussions sur les citoyens". L'Algérie a sollicité dans ce cadre l'assistance de la Banque mondiale. Les économistes ont maintes fois appelé à revoir le dispositif des subventions généralisées en l'orientant exclusivement et progressivement aux couches sociales défavorisées. Le collectif Nabni a déjà mis en garde contre l'approche annoncée par le gouvernement et propose des alternatives plus adaptées au contexte algérien. Pour le think tank, "le modèle envisagé est importé de pays beaucoup plus inégalitaires que le nôtre, où les transferts sociaux ne bénéficient qu'à une frange limitée de la population". Nabni indique que les méthodes classiques de ciblage des ménages en vigueur ailleurs s'avèrent être inefficaces et donnent lieu à des taux d'erreur d'exclusion des plus pauvres qui sont trop élevés. "Nos politiques sociales ont permis de faire figurer l'Algérie parmi les pays les plus égalitaires au monde. Importer des modèles de redistribution de pays plus inégalitaires n'est pas concevable", pense le collectif Nabni, qui a proposé deux alternatives originales, qui peuvent être mises en œuvre sans attendre de disposer d'un système d'information fiable. Dans la première approche, le collectif parle d'un ciblage progressif de tous les ménages déclarant un revenu inférieur à un certain plafond, ciblant les 40% des ménages les moins aisés, sur une base uniquement déclarative. Les bénéficiaires indus, nombreux au début, seront progressivement exclus, à mesure que se développe un système d'information qui puisse les identifier. "Il couvrirait à terme la moitié de la population (4 millions de ménages) pour un coût d'environ 2,4% du PIB et un transfert mensuel moyen de 12 000 DA par ménage (15 000 DA pour les ménages de plus 9 membres)", écrit Nabni dans rapport rendu public en mars 2018. La seconde option va encore plus loin pour éviter les erreurs et les complexités du ciblage. Le think tank suggère l'instauration d'un revenu universel individuel. Le programme propose d'assurer à tous les citoyens algériens, à l'exception des plus riches, un complément de revenu régulier, sans condition et quelle que soit leur situation familiale ou leur niveau de vie. Il vise à couvrir au moins 90% des citoyens au plus tard en trois ans, et de verser un transfert avec unique condition d'avoir un compte bancaire et de disposer d'une carte nationale d'identité biométrique. L'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, soulignait, en 2015, dans son livre Algérie : sortie de la crise, que l'impératif de sortie des subventions "s'impose par nécessité économique et équité sociale". La démarche, a estimé M. Benachenhou, ne peut être que sélective et progressive. "Seule la préservation et le renforcement du pouvoir d'achat des ménages les plus démunis peuvent ouvrir la voie à une sortie progressive des subventions", a-t-il soutenu. Pour lui, une stratégie de sortie des subventions doit aller à l'essentiel : "S'occuper des subventions les plus inéquitables, des rentes de producteurs et de consommateurs avant d'aller à ce qui fait peur et pourrait être socialement insupportable." Tout comme Nabni, l'ancien ministre des Finances estime que le point de départ doit être la réforme des produits énergétiques, suivie d'une révision en profondeur des dépenses fiscales les plus coûteuses et les plus inefficaces. Meziane Rabhi