Après que le gouvernement a exprimé sa volonté de réviser, dès 2019, les subventions pour mieux cibler les catégories de la société dans le besoin, le Collectif Nabni vient de mettre en place une sorte de modèle algérien de transferts monétaires, souhaitant susciter le débat le plus large autour de cette question de grande importance. Se basant sur les particularités de l'Algérie, la nature de ses institutions et ses traditions, le Think Tank estime d'emblée que «le gouvernement fait fausse route sur ce dossier sensible». Il met en garde contre «les faibles taux de couverture et les erreurs de ciblage» inhérentes aux modèles dont s'inspire le programme et qui envisage de s'appuyer sur des listes de ménages démunis établies par l'administration. «Les taux de couverture atteints par ce type de programmes (souvent moins de 20% de la population) sont inadaptés à notre contexte et à notre héritage de couverture sociale universelle», écrit Nabni dans l'exposé de son étude présentée, hier, lors d'une conférence organisée à Alger. Ce que propose le Collectif est tout à fait différend de la démarche des pouvoirs publics. L'idée s'articule sur deux alternatives permettant «de couvrir bien plus largement la population, plus rapidement, avec des risques d'exclusion beaucoup plus faibles des plus démunis». Il s'agit du «ciblage progressif» qui concerne tous les ménages déclarant un revenu inférieur à un certain plafond, fixé par Nabni à 60.000 DA, et du «revenu universel individuel» accessible à quasiment tous les citoyens, sur une base déclarative uniquement. Pour la première option, Nabni préconise de cibler 40% des ménages les moins aisés. Bien qu'il y aura dans un premier temps de «nombreux indus bénéficiaires», reconnaissent les réalisateurs du modèle, il n'en demeure pas qu'ils «seront progressivement exclus», à mesure que se développe un système d'information qui puisse les identifier. «Cette option nous donne le temps de bâtir un système de ciblage fiable (de 5 à 10 ans, si besoin), en couvrant d'entrée, sans exclusion arbitraire, la quasi-totalité des démunis», soutient-on dans le document de synthèse. Le transfert mensuel est fixé entre 12.000 DA par ménage et pouvant aller jusqu'à 15.000 DA pour les ménages de plus de neuf membres. Cette somme englobe pratiquement le montant des subventions accordées par l'Etat sur des volets comme le carburant et les produits alimentaires de large consommation. Sur ce détail, les membres de Nabni expliquent que des secteurs comme l'éducation et le logement sont dans un premier temps exclus de ce ciblage. «Moins d'exclusions» Quant à la deuxième option appelée «revenu universel», «plus de deux fois plus coûteuse que le ciblage progressif», faut-il le préciser, elle n'excluerait que les plus riches et compenserait rapidement plus de 90% de la population (ou plus de 40 millions de citoyens), pour un coût d'environ 5,5% du PIB et un transfert mensuel moyen d'environ 2.000 DA par personne (1.200 DA pour les enfants de moins de 15 ans, et de 2.400 DA pour les plus de 15 ans). Dans les deux cas de figures, ces options sont moins chères que ce que coûtent les subventions actuelles, soit «plus de 13% du PIB, dont plus de 7% pour l'énergie», fera remarquer Mabrouk Aib, membre du Collectif Nabni. Réitérant sa mise en garde au gouvernement et à sa démarche, Nabni explique qu'à l'inverse de ce que veulent faire les autorités, les deux options proposées pourraient être généralisées dès 2019, même sans en disposer d'un système d'information, d'atteindre rapidement la quasi-totalité de ceux ayant le plus besoin de compensation, avec de faibles erreurs d'exclusion des démunis et de réaliser très tôt des économies budgétaires. Ceci, en plus de se donner le temps de construire, en parallèle, une base d'information exhaustive et fiable, future colonne vertébrale d'un nouveau système national de protection sociale et de lutte contre la précarité. Outre les réformes complémentaires qui doivent accompagner ce modèle en termes notamment d'accès aux services financiers et de déploiement de la CNI biométrique, le Collectif suggère une campagne de communication et d'explication utilisant un slogan simple «Les subventions, Eddiw'houm drahem !». Pour Nabni, cette contribution «est un appel à un débat ouvert pour inventer notre propre modèle de transferts monétaires».