La salle Mohamed-Boudiaf de Bordj Bou-Arréridj était depuis la veille surveillée et dès la matinée quadrillée par les forces de l'ordre. Et, comme il faut remplir la salle à tout prix, les bus, presque vides, arrivaient des localités et des wilayas limitrophes. Les personnes qui n'arrivaient pas à se faufiler y entraient en cachant leur visage, sous les cris des manifestants : "Pas de vote ya s'hab el-cachir". "Je viens de Toubou. J'ai profité du transport gratuit", a tenu à dire ce jeune homme, qui ajoute qu'il n'ira pas voter. Malgré une présence policière renforcée par des "vigiles", les Bordjiens, qui multiplient les actions contre le scrutin présidentiel, étaient là en grand nombre. Entourés par un dispositif policier, les manifestants se sont rassemblés, depuis la matinée, pour dénoncer la venue du candidat aux cris de "Benflis dégage !", "Il n'y aura pas de vote à Bordj Bou-Arréridj"… "De mémoire d'homme, l'Algérie n'a jamais vu dans son histoire une campagne se dérouler dans des conditions aussi difficiles, avec des meetings chahutés, une multiplication des manifestations, des geôles pleines de prisonniers d'opinion et une presse muselée qui ne peut pas travailler correctement. Par conséquent, dans un tel climat de répression, on ne peut pas appeler cela une campagne électorale normale", dira un ancien militant du FFS. À l'intérieur de la salle, les mêmes figures du FLN et des organisations de "masse" occupent les fauteuils, bien emmitouflés dans des kachabias. Ali Benflis, dans son discours, a rappelé les principaux axes de son programme électoral, évoquant une répartition équitable des ressources nationales, en fondant un Etat démocratique à caractère social. "Je n'ai jamais déposé de plainte contre ceux qui viennent perturber mes meetings", rappelle l'orateur, en annonçant que dans son programme tout se fera avec dialogue et respect du citoyen. "La lutte contre la corruption et les détournements devrait être sévère. Il faut aussi préserver le pouvoir d'achat du citoyen", a martelé le candidat. Dehors, tout au long du meeting, les Bordjiens n'ont pas cessé d'exprimer leur refus de la présence du candidat Benflis et leur rejet de l'élection en scandant : "Non à la mascarade électorale", "Ni Tebboune ni Benflis, le peuple est le président", "Laissez-nous, chiyatine"… Les manifestants ont, juste après, organisé une marche dans les rues de la ville de Bordj Bou-Arréridj en scandant les slogans hostiles à l'élection présidentielle. À M'sila, les manifestants anti-élection ont été encerclés par les forces de l'ordre pour les empêcher de s'approcher de la salle de conférences Guenfoud-Hamlaoui, où le candidat Benflis a tenu un meeting. "Du jamais vu dans l'histoire des campagnes électorales en Algérie ; seuls les invités ‘choisis' sont autorisés à accéder à la salle réservée aux meetings. Et les opposants sont réprimés, emprisonnés et muselés", dira un enseignant à la retraite et ancien membre du FLN. À sa sortie de la salle, un jeune a interpellé Benflis en lui demandant pourquoi à chaque passage dans une ville une quarantaine de jeunes sont arrêtés. Benflis lui a répondu que quand il sera élu il va instaurer une justice indépendante. À la suite de cette manifestation contre la venue de Benflis et contre l'élection du 12 décembre, plusieurs arrestations auraient été opérées.