Le tribunal de Sidi M'hamed connaîtra aujourd'hui l'un des procès les plus retentissants depuis l'indépendance. Après celui d'Abdelmoumène Khalifa, qualifié en son temps de "procès du siècle", le procès qui s'ouvre ce matin et qui concerne d'anciens hauts responsables, dont deux anciens Premiers ministres, ainsi que des hommes d'affaires, est de loin celui qui porte plus de symboliques. C'est la première fois dans l'histoire du pays que des responsables à ce niveau de la hiérarchie sont appelés devant le juge en tant qu'accusés. Ainsi, deux anciens Premiers ministres d'Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, se présenteront à la barre en compagnie d'autres anciens ministres, dont Abdelghani Zaâlane et Youcef Yousfi. L'ancien ministre de l'Industrie Abdeslam Bouchouareb est en principe concerné. Mais l'homme est en fuite. Les anciens responsables sont accusés d'attribution "illégale" de marchés publics, d'"obtention d'indus avantages" et de "trafics d'influence". Ils sont poursuivis dans des affaires en lien avec les hommes d'affaires Ali Haddad, patron de l'ETRHB, Mahieddine Tahkout, patron du groupe éponyme, et Mohamed Baïri, patron d'Ival. C'est le chapitre dit "des concessions automobiles". Les patrons sont notamment poursuivis pour "corruption" et "blanchiment d'argent". Mais ils sont aussi accusés de "financement illégal" de campagne électorale. Le terme est générique, mais il renvoie, en fait, au financement de la campagne électorale visant à élire Abdelaziz Bouteflika pour un 5e mandat. Surtout que deux des anciens responsables qui seront auditionnés aujourd'hui étaient des directeurs de campagne, à savoir Abdelmalek Sellal et Abdelghani Zaâlane, du chef de l'Etat déchu. Les responsables concernés et les hommes d'affaires ont été mis en détention provisoire à différentes périodes, cette année. Mais certains d'entre eux, notamment Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, sont concernés dans plusieurs affaires en même temps. Ils sont cités dans des affaires liées à Ali Haddad et aux frères Kouninef. Il s'agit notamment d'accusations de "corruption", d'attribution d'"indus avantages" et d'"enrichissement illicite". En raison de la "qualité" des prévenus qui se présenteront à la barre aujourd'hui, les autorités vont certainement déployer un important dispositif policier autour et au sein du tribunal de la rue Abane-Ramdane. Le procès étant public, la présence des citoyens est donc attendue en masse autant que celle des médias. Mais contrairement aux rumeurs, le procès ne sera retransmis sur aucune chaîne de télévision. La loi algérienne interdit en effet toute utilisation d'appareils d'enregistrement ou de captures d'images dans les tribunaux. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé hier le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, devant les sénateurs. En raison de l'imbrication des affaires liées à ces hauts responsables, l'on s'attend à un procès marathon. Les interrogatoires et les plaidoiries risquent de prendre plusieurs jours pendant lesquels les Algériens seront tenus en haleine. Au plan médiatique, cela risque même d'éclipser la campagne électorale en cours, déjà mise à mal par le rejet populaire qu'elle suscite.