Le procès qui devait s'ouvrir hier au tribunal de Sidi M'hamed à Alger a viré au cafouillage. Dès les premières heures de la matinée, des dizaines de citoyens sont venus assister à ce qui était présenté comme le "procès de la bande". Des dizaines de policiers, postés aux abords et dans le hall du tribunal, ne pouvaient qu'observer ce flux de curieux qui voulaient sans doute voir de plus près les Ouyahia, Sellal, Zaâlane, Yousfi, Ghoul et les hommes d'affaires qui ont constitué l'oligarchie sous Bouteflika répondre aux questions des juges. Dès 9h, les citoyens et les dizaines de journalistes massés devant la minuscule salle d'audience se sont vite rendu compte qu'il était impossible, en effet, de tenir un tel procès dans un espace qui ne peut même pas contenir 150 personnes. Et quand on sait qu'il devait y avoir plus de 60 personnes entre accusés et témoins, auxquels il fallait ajouter la centaine d'avocats constitués, on se rend vite à cette évidence. Les policiers chargés de sécuriser l'entrée de la salle d'audience sont vite dépassés. L'entrée de la salle est prise d'assaut par des citoyens et des journalistes. Les hommes et les femmes des médias et les avocats ne pouvaient même pas s'approcher de l'entrée. Vite, dans le brouhaha, des rumeurs commencent à circuler. Le procès sera certainement annulé. La raison ? "Les conditions ne sont pas réunies" pour un procès équitable. Des conciliabules sont entamés. Les avocats, empêchés d'entrer par d'autres portes que celle réservée au public, se concertent. Au bout d'une heure, une décision est tombée : le collectif de défense a délégué Abdelaziz Medjdouba, bâtonnier de Blida, et Khaled Bourayou pour demander solennellement au président de la cour de reporter l'audience. "Les conditions d'un procès équitable ne sont tout simplement pas réunies", résume Me Medjdouba, constitué pour défendre une responsable du ministère de l'Industrie. "Ce qui se passe est un scandale", ajoute Me Hakim Saheb, constitué pour Malik Hadj-Saïd, un ancien collaborateur d'Ali Haddad. "Vous vous rendez compte que nous n'avons été informés de la date de la tenue du procès qu'il y a quelques jours et via la télévision ! C'est la preuve que le procès a été préparé dans l'urgence à des fins politiques", a-t-il ajouté, avant de préciser que la défense n'avait même pas droit d'accès à "l'ordonnance de renvoi" devant le juge d'instruction. Pendant ce temps, certains avocats ont dû se frayer un chemin dans la salle d'audience. Les prévenus sont déjà là. Les membres du tribunal aussi. Mais les journalistes continuent de se battre pour y accéder. Certains ont tenté de distinguer les visages d'Ouyahia et de ses compagnons sur des écrans placés dans le hall. En vain. Les policiers, excédés, repoussent les présents. Des journalistes ont été violentés par des policiers. Pas d'entrée. Sans plus. En colère, des journalistes sont descendus pour organiser un sit-in de protestation dans le hall du tribunal. À l'intérieur de la salle d'audience, on n'entend presque rien. Avec peine, les deux avocats chargés par leurs pairs de demander le report ont pu aller au bout de leur plaidoirie. Dehors, les esprits continuent de s'échauffer. Les citoyens, déçus, crient "Âadala moustakilla". L'un d'eux lance même à la face des policiers : "Mais le ministre de la Justice nous a dit d'assister au procès." Les policiers, à bout de nerfs, ne disent rien. Ils repoussent tout le monde. Devant l'impossibilité d'organiser le procès, le juge annonce le report pour le 4 décembre.