Plus que du populisme ordinaire, le nouveau président déclaré élu au scrutin contesté du 12 décembre développe un discours socioéconomique en parfait déphasage avec la réalité peu rassurante de l'économie nationale et l'état alarmant des finances internes et externes du pays. Amélioration du pouvoir d'achat, suppression de l'impôt pour les catégories faiblement rémunérées, recrutements et plein-emploi, éradication de la crise du logement, renforcement du soutien public aux secteurs de la santé et de l'éducation, financements et cadeaux fiscaux aux start-up et autres entreprises, expansion économique dans toutes les régions du pays et bien d'autres prouesses encore ont ainsi été solennellement promises par le successeur du président déchu Abdelaziz Bouteflika, dont le passif hérité piège aujourd'hui l'économie du pays. Tout comme il se réfugie dans le déni face à la forte défiance populaire qui continue à s'exprimer largement à l'égard du régime tout entier, le nouveau président semble de même avoir choisi d'escamoter la difficile réalité de l'économie nationale, versant dès lors dans l'extravagance et les discours creux. La légèreté, dont il est ainsi fait, laisse, sciemment ou par démagogie, supposer qu'au moins au registre de la gouvernance économique, la politique proposée pour le proche avenir s'inscrit en droite ligne dans la continuité de celle pratiquée jusqu'ici et qui conduit aujourd'hui le pays vers une nouvelle banqueroute. La triste réalité de l'économie nationale est pourtant bien connue et admise de tous et est même consignée dans les cadrages de la loi de finances 2020 et la trajectoire budgétaire et financière déjà fixée pour les trois prochaines années, et dont le président n'aurait vraisemblablement qu'à assumer la bonne exécution. Il y est ainsi question, entre autres, d'une accélération de l'érosion des réserves de changes qui ne seront à tout le mieux que de 40 milliards de dollars dans moins de trois ans, soit l'équivalent d'à peine 10 mois d'importations ; d'une chute de la valeur de la monnaie nationale pour passer de sa parité actuelle de 120 DA pour un dollar à 133 DA pour un dollar d'ici à 2022 et d'une prévision officielle d'une inflation à près de 6% à la même échéance, contre un rythme moyen de 4% durant ces quelques dernières années. Dès l'exercice prochain ; à l'entame même de la première mandature du nouveau président, les dépenses d'équipement et donc la commande publique sera sévèrement compressée ainsi que le prévoit la loi de finances désormais signée et toute prête à entrer en vigueur. Et pour atténuer le creusement des déficits publics, nulle autre solution envisagée que la limitation des importations. Par quelle pirouette ou acrobatie Abdelmadjid Tebboune pourrait donc tenir ses prodigieuses promesses de prospérité et de décollage économique, avec des investissements publics en contraction, un dinar déprécié, des déficits financiers abyssaux, des importations rationnées, une machine économique grippée, des banques déjà accablées par des impayés, une inflation en hausse, une épargne en devises en voie de disparition et un pouvoir d'achat extérieur de plus en plus laminé ? S'engager à baisser les impôts, à distribuer de la rente et à octroyer, à tout va, aides sociales et avantages fiscaux, au moment où les ressources financières de l'Etat sont de plus en plus limitées et où les entreprises de production sont en grande difficulté, relève sinon de l'improvisation, du moins de l'inconséquence profonde dans la conception des affaires de l'Etat.