Une dizaine de manifestants oranais ont saisi, hier matin, la justice sur les graves dérapages qui ont marqué la 45e marche de la révolution ouvrant la voie à de potentielles autres saisines. Une dizaine de citoyens et de citoyennes ont ainsi déposé des plaintes individuelles auprès du procureur de la République près le tribunal correctionnel de Cité Djamel contre les auteurs des agressions verbales et physiques qu'ils ont subies vendredi 27 décembre. Parmi les plaignants, Bendiar Mâammar, un des porte-drapeaux du hirak, qui a été molesté et dont les étendards ont été arrachés, Lahouari Fellahi, qui a dû résister aux coups pour pouvoir récupérer sa précieuse pancarte des mains d'adolescents surexcités, ou encore Ammi Hassan et Abdelhadi Abbès, tous des hirakistes convaincus qui sortent chaque vendredi pour revendiquer le changement. Au sortir du tribunal, les plaignants ont exprimé leur "confiance en la justice" et leur "certitude qu'elle fera son travail" afin que les coupables soient sanctionnés et que les Oranais puissent continuer de jouir de leur droit de manifester. "Parce que nous allons encore sortir, malgré les incidents de vendredi dernier et les menaces qui continuent de nous être adressées", ont assuré les manifestants en insistant sur le caractère pacifique des marches en appelant les autorités à les sécuriser. Aujourd'hui mardi, 45e marche de la communauté universitaire, ce sont les étudiants qui devraient déposer leurs plaintes contre les baltaguia et leurs commanditaires auprès du même parquet du tribunal de Cité Djamel. Avant-hier, des étudiants avaient tenté de porter plainte auprès de la sûreté de wilaya, mais ils ont été renvoyés à la 16e sûreté urbaine qui les a, de son côté, dirigés vers la justice, selon ce qu'ils ont affirmé à Liberté. Contactée, la cellule de communication de la sûreté de wilaya a répondu qu'il devait s'agir d'un malentendu. "C'est une question de compétence territoriale. Il fallait se rendre à la 8e sûreté urbaine (Miramar) et non pas à la 16e (Front de mer)", a expliqué, hier, le responsable de la cellule de communication en assurant que "les plaintes sont recevables" par la police. Vendredi dernier, pour rappel, la 45e marche a été marquée par des assauts, parfois violents, de hordes de jeunes sur les manifestants pacifiques, ce qui a suscité un tollé général contre ces tentatives d'instaurer la terreur dans le hirak. Des citoyennes et des citoyens d'Oran "adhérant aux marches citoyennes" ont immédiatement réagi en lançant un appel aux "autorités sécuritaires et administratives de la ville pour mettre fin aux manipulations de certains milieux affairistes mal dissimulés derrière des partis politiques et associations proches du pouvoir illégal et illégitime". Les signataires de l'appel ont, par ailleurs, mis la justice algérienne et les autorités locales devant leurs responsabilités "en cas de dépassements irréversibles". La 46e marche de la révolution — et 1re de l'année 2020 — constituera un sérieux test pour les autorités sécuritaires, que les Oranais continuent d'appeler à protéger les manifestations pacifiques.