La “feuille de route” irakienne, élaborée par la Maison-Blanche et acceptée par l'Onu, la Ligue arabe et l'Oci se met en place dans la confusion et la violence. Le Conseil national irakien, Parlement désigné au pouvoir symbolique, a désigné quatre vice-présidents au lieu des deux initialement prévus pour, officiellement, mieux représenter la diversité politique et religieuse du pays. La réunion dans le centre de conférences de Bagdad, perturbée par des tirs d'obus de mortier, a choisi un Kurde, deux chiites (l'un représentant le Conseil supérieur de la révolution islamique en Irak et l'autre le parti de l'Entente nationale du Premier ministre Iyad Allaoui), un sunnite du Parti islamique irakien et le secrétaire général du Parti communiste. Une vraie auberge espagnole mais tout de même très représentative du patchwork irakien. Les musulmans chiites sont majoritaires, les sunnites, minoritaires, ont cependant dominé la scène politique irakienne depuis le début du XXe siècle. Quant aux Kurdes, c'est toute la question et, comme rien ne pourra se faire sans eux, leur particularisme est utilisé pour contrecarrer les velléités hégémonistes des chiites. Cette assemblée, qui, symboliquement, donne du crédit aux autorités à qui l'ex-proconsul américain, Paul Bremer, avait remis les clefs de Bagdad, doit surtout réfléchir sur la constitution de l'Irak post-Saddam et contribuer à la réussite des élections générales prévues en janvier 2005. Composé de 100 membres choisis après de rudes marchandages entre chefs de tribus, chefs religieux et personnalités autoproclamées et désignées, l'assemblée, qui peut se réunir dans n'importe quelle ville, doit voter le budget et veiller à l'application des lois par le gouvernement. Sur le terrain, la situation demeure inchangée. La violence fait rage. L'armée américaine poursuit, avec les forces irakiennes en apprentissage mais utilisées comme bouclier, ses opérations contre la guérilla. Les Gi's et les Gardes nationaux irakiens ont, par ailleurs, lancé des opérations sans précédent depuis le transfert de pouvoir, fin juin, contre la guérilla à Tall Afar (à l'ouest de Mossoul) et dans la ville rebelle de Latifiya (30 km au sud de Bagdad) où de nombreux meurtres et rapts se sont produits ces derniers mois. C'est aux alentours de Latifya que les deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ont été enlevés le 20 août par l'Armée islamique en Irak, un groupe islamiste qui les retient toujours en otages. Le chef de la diplomatie française, Michel Barnier, après avoir attendu durant deux jours leur libération en Jordanie, est rentré à Paris, affichant de la prudence. La formidable pression internationale n'est pas encore venue à bout des ravisseurs. Des chars Abrahams, des hélicoptères Apaches et des avions F-16 pilonnent les positions de la guérilla comme à Tall Afar, habitée majoritairement par des Arabes et des Turcomans d'obédience chiite, et considérée comme un repaire pour les terroristes venant de Syrie, selon l'armée américaine. Par ailleurs, les oléoducs continuent d'être des cibles privilégiées de la guérilla, qui cherche à brouiller la carte du pétrole à la satisfaction des majors américaines qui se remplissent les poches malgré leurs cris d'orfraies. Les pipes de Bassorah brûlent en permanence et, à la Soc (compagnie pétrolière irakienne du Sud), on commence à s'inquiéter. Les exportations de brut irakien sont sérieusement affectées, la question est dans quelle proportion. Les exportations de brut depuis le sud de l'Irak se situaient à la fin août à un niveau de 1,8 million de barils par jour, en dépit d'une série d'attaques. Les exportations de brut à partir du nord de l'Irak sont interrompues depuis le sabotage de l'oléoduc reliant Kirkouk au port turc de Ceyhan et toujours en feu. Les travaux de réparation pourraient prendre jusqu'à sept jours, selon la compagnie pétrolière du Nord (NOC). Enfin, le gouvernement irakien a décidé de prolonger indéfiniment l'interdiction de travailler pour la chaîne satellitaire Al-Jazira, accusée d'inciter à la violence. D. B.