“Notre intervention là-bas a déstabilisé le Moyen-Orient. Et plus nous restons, plus cette déstabilisation se poursuivra”, c'est un sénateur américain démocrate qui l'avoue. La classe politique américaine s'inquiète de la présence militaire prolongée en Irak et des perspectives de sortie de conflit, alors que le projet de Constitution irakienne restait en discussion. Le gouvernement irakien a prévenu qu'il était possible de reporter encore d'une semaine le dépôt de la Constitution devant le Parlement alors que les négociations politiques sur le texte s'éternisent sans signe apparent de progrès. Aux Etats-Unis, lors des débats politiques télévisés du dimanche matin, plusieurs parlementaires, démocrates comme républicains, ont fait part de leur découragement face aux maigres perspectives de pouvoir commencer à faire rentrer les quelque 138.000 soldats actuellement déployés en Irak. “Nous avons besoin soit d'une stratégie pour gagner, soit d'une stratégie de sortie”, a affirmé le gouverneur démocrate du Nouveau-Mexique, Bill Richardson. “Le président est en train de perdre le soutien de l'opinion. Tout ce que j'entends, c'est maintenons le cap, continuons ce que nous faisons, et tout ira bien. Mais ça ne va pas bien. Et la frustration est croissante dans le pays face à cette absence de politique”, devait-il asséner sur la chaîne ABC. Selon un récent sondage, 57% des Américains pensent aujourd'hui que la guerre en Irak a rendu les Etats-Unis plus vulnérables face aux attaques terroristes, bien que le président George W. Bush répète le contraire. Bush, qui a insisté sur la nécessité de terminer la tâche pour laquelle des GI's et marines ont donné leur vie et rendre hommage à leur sacrifice en menant à terme la mission en Irak, a lancé une campagne de cinq jours pour défendre la guerre en Irak. “Nous devons constamment rappeler au public américain que notre sécurité est liée à une réussite en Irak”, insisté le sénateur républicain Lindsey Graham sur Fox News. “Si l'Irak sombre dans l'anarchie, si les femmes y sont maltraitées par une Constitution répressive, si les Kurdes font sécession, créant ainsi un problème pour la Turquie, si les sunnites ne sont pas bien représentés dans la Constitution, alors nous aurons créé un énorme problème pour nous-mêmes”, a-t-il ajouté, résumant on ne peut mieux l'enjeu de l'Irak post Saddam. Le sénateur républicain George Allen a appelé de ses vœux une Constitution irakienne, qui permettrait d'asseoir une société libre et juste, appelant à l'optimisme en comparant la difficulté à rédiger la Constitution à celle connue par les Etats-Unis lors de son indépendance. “Nous devons persévérer, admettre que c'est difficile mais que nous devons rester jusqu'à ce que le boulot soit fait”, devait-il déclarer. Par contre, le sénateur républicain Chuck Hagel n'a pas caché son découragement. “Deux ans et demi en Irak, plus d'un tiers de trillion de dollars engloutis, près de 1.900 Américains perdus, la production de pétrole en baisse. Quelle que soit l'unité de mesure utilisée, nous ne sommes pas en train de gagner”, devait-il affirmé sur ABC. Le général Peter Schoomaker, chef d'état-major de l'armée de terre, a indiqué à l'Associated Press faire des plans pour pouvoir, le cas échéant, maintenir le nombre actuel de troupes en Irak sur les quatre prochaines années. “C'est une pure folie”, a commenté Hagel, considéré comme un présidentiable en 2008. Pour lui, les Etats-Unis ne peuvent pas rester là-bas indéfiniment et les Irakiens devraient reprendre la main dans les six prochains mois pour éviter un enlisement comparable au Vietnam. “Nous devons commencer à réfléchir à comment sortir de là, sans laisser un vide qui déstabiliserait encore davantage le Moyen-Orient”, devait conclure Hagel, résumant tout le dilemme des Etats-Unis. R. I.