Les échanges verbaux très durs, entre Washington d'un côté, Damas et Téhéran de l'autre, annoncent un élargissement du conflit armé hors des frontières irakiennes. La «guerre» des mots entre Washington et Damas ne cesse de connaître de nouveaux pics de tension depuis que les deux parties ont catégoriquement choisi des camps adverses dans une lutte acharnée et, forcément, à mort. Ainsi, les autorités syriennes ont-elles, une nouvelle fois, souhaité, hier, une victoire cuisante des forces irakiennes sur l'armée américaine, qualifiant au passage cette guerre d'agression coloniale que la communauté mondiale se doit de dénoncer et de tout mettre en oeuvre pour l'arrêter. Devant cette escalade qui n'augure rien de bon, Israël a cru bon de mettre son «grain de sel» dans la donne. Le régime de Sharon, qui compte bien tirer pas mal de dividendes de cette guerre qui n'en est qu'à ses débuts, a lancé un véritable défi à Damas. Le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, a «mis en garde» le président Bachar Al-Assad, en lui rappelant «la puissance d'Israël dans tous les domaines, y compris militaire» sur les ondes de la radio publique. Dans le même temps, des avions de chasse israéliens ont violé l'espace aérien libanais, s'enfonçant loin en territoires arabes placés sous la protection de l'armée syrienne, selon un accord signé entre les deux pays. La DCA libanaise, du reste, a réagi, tirant de nombreux obus, dont aucun n'a atteint sa cible et dont certains sont retombés sur le sol sans faire de victimes. La Syrie n'a pas encore réagi à ces provocations qu'Israël souhaite dégénérer en guerre ouverte, selon nombre d'observateurs. Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, a, pour sa part, exprimé tout haut ce que tous les dirigeants savent et pensent tout bas. Dans un entretien accordé à un journal arabophone paraissant à Londres, il a, en effet, «mis en garde contre toute intervention militaire contre la Syrie et l'Iran». Pour lui, une pareille éventualité, qui n'est plus du tout exclue, «sèmerait le chaos non seulement au Proche-Orient, mais aussi dans d'autres régions du monde». Sur les ondes de la BBC, le responsable de la Ligue arabe a averti: «Si la guerre quitte les frontières de l'Irak, cela sèmera le chaos dans tout le Proche-Orient et dans le bassin méditerranéen, cela atteindra des frontières que vous ne pouvez pas imaginer.» Même si la Ligue arabe est de plus en plus décriée, elle n'en tient pas moins à apporter sa part de contribution au débat et aux événements actuels qui menacent le devenir du monde. Amr Moussa, qui conteste l'action unilatérale des Américains, s'exclame de la sorte: «Pensez-vous que la démocratie arrivera en Irak à bord d'un B52, ou à l'arrière d'un char avec une division blindée?» La Russie, qui connaît fort bien la région et mesure donc convenablement les risques que génère cette guerre, a affirmé, hier, par la voix du président de la Chambre haute de son Parlement, Sergueï Mironov, que «la guerre en Irak risque de déstabiliser l'Asie centrale». Ainsi, ce ne sont pas seulement les pays du Golfe et de la Méditerranée qui risquent d'être entraînés dans cette spirale de violence, mais aussi les Etats de l'Asie centrale, et même de l'extrême Est, puisque la Corée du Nord, qui vient de tester de nouveaux missiles, n'a pas l'intention de «désarmer» de sitôt, alors que les Américains en font toujours une cible probable, la classant dans l'«axe du mal», même si le communisme n'a jamais fait bon ménage avec l'islamisme...