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Le dur chemin du retour
Les habitants de AIn Barbar, après la libération de leur village
Publié dans Liberté le 24 - 08 - 2005

Chassés de leur village par les terroristes, ils attendent tous sa libération. Mais ils ne sont pas unanimes quant à y retourner. Notre journaliste les a rencontrés.
Les bérets verts, les patriotes, les gardes communaux et les artificiers étaient, hier, toujours à l'œuvre. Après la délocalisation des 21 terroristes, l'heure est au nettoyage. Une opération de laquelle il peut découler, en plus du déminage, soit la capitulation des dernières poches de terrorisme, soit leur élimination. En effet, sur place, nous avons pu constater que l'axe de l'Edough est totalement encerclé.
Selon plusieurs sources locales, une fois sur les lieux, les militaires ont trouvé des effets vestimentaires d'enfants. C'est une des raisons qui fait que l'évolution des troupes se fait en douceur, quand cela est possible, afin de récupérer ces derniers et leur éviter une fin douloureuse. L'option de la récupération des enfants trouvés dans les maquis est privilégiée par les responsables. Des moyens de transport sont réquisitionnés sur les lieux. Car, on risque d'assister à un “Babor bis”.
Dans leur offensive, les militaires ont découvert deux véhicules utilitaires, dont un J5. Les terroristes, dont certains vivaient en famille, ont pu, depuis mai 2003, former une véritable colonie où cohabitaient diktat des émirs et subordination des “simples” terroristes. Ainsi, les forces de sécurité ont découvert des champs cultivés de courgette, de haricot, de tomate... Aïn Barbar étant réputée pour l'abondance en eau. Dans son avancée, l'armée a découvert, au niveau du pont, pas moins de six pièces artisanales lourdes, les fameuses “habhab” de part et d'autre du gros œuvre qui relie la localité au chef-lieu de la commune. Tous les alentours du pont, lui-même détruit par les terroristes, étaient minés. Pas moins d'une dizaine de mines ont explosé au passage des bulls.
C'est de bouche à oreille que ces bribes d'informations circulent parmi les 150 familles exilées du village maudit de Aïn Barbar, dans la commune de Séraïdi, wilaya de Annaba. Qui aurait cru qu'à 6 km du siège de la commune touristique de Seraïdi, une plaque signale l'interdiction d'accès aux Algériens à un territoire de la République. “Tarik maktouaâ”, lit-on sur une signalisation installée à la hâte, depuis plus de deux ans.
Centre d'accueil CREPS de SéraIdi
En effet, c'est à partir de leur exil, dans les centres d'accueil, que les 150 familles de Aïn Barbar suivent de près l'évolution de la situation là-haut, sur les monts de l'Edough. Qu'ils soient aux Creps, à Aïn Boulahdid, au Lido, à la SNS… il leur suffit de tendre l'oreille pour écouter le bruit des détonations et lever le regard pour voir les contours de leur village, distant seulement de 6 km au plus. Un village qu'ils ont quitté pour sauver leur vie et ce qui leur reste d'enfants et d'honneur. L'hydre terroriste s'est toujours nourrie dans ces contrées de l'Algérie, non utiles, du sang de ses victimes. Le sang de la mort, du déshonneur.
Aux Creps, ou ce qu'il en reste du célèbre centre de sport, ce sont une dizaine de familles qui y ont trouvé refuge. Le centre fut déserté dès le début des années 1990 et ce sont ces familles qui viennent de lui donner un semblant de vie.
Délaissé par sa tutelle, il reflète l'image d'un Souk el Fellah délabré. Les pavillons sont démunis de carreaux, les allées dégradées, les jardins devenus des prairies sans verdure et les fameuses salles de cours accueillent les damnés de Aïn Barbar.
Le centre n'est pas raccordé au réseau AEP. La Sonelgaz, pour non-paiement de facture, a coupé l'électricité. L'APC, quant à elle, démembrement local de l'Etat, au lieu de s'occuper de ces victimes de la horde terroriste, a recouru à une solution de facilité en piratant le courant électrique à partir des pylônes de l'éclairage public, au risque de faire d'autres “victimes”.
Un des habitants du village maudit, Patriote de son état, nous accueille dans sa nouvelle demeure. Un office du bloc administratif. Il se souvient du début du malheur. “Le printemps de cette année 2003 se faisait désirer. Il ne voulait pas se pointer dans ces contrées perdues entre la mer et le ciel. La tempête était si forte que les rafales de vent ont fini par avoir raison des pylônes électriques. Le village s'est retrouvé, du coup, sans électricité, notre première arme de dissuasion contre ces terroristes dans un lieu haut perché sur l'Edouhg où, la nuit tombée, on a l'impression d'être beaucoup plus proches de l'au-delà que d'ici bas.”
Il continue, les yeux perdus dans les dédales du temps maudit : “Déjà que nous savions que notre condition était précaire, voilà que les terroristes dressent leur ultime faux barrage, un certain 17 août 2003, entre Romana et les “T”. Plusieurs Patriotes, surpris dans un tournant de leur vie mais aussi de l'histoire de l'Algérie, sont passés alors par l'arme blanche. Lors de leur forfait, les terroristes ont diffusé un communiqué dans lequel un ultimatum de huit jours est donné au habitants de Aïn Barbar, sommés de quitter le village faute de quoi, ils passeront tous. Le lendemain, la poste était fermée. Même chose pour l'infirmerie et le reste des administrations, symboles de la présence de l'Etat, à l'image du cantonnement de la garde communale. Toute la population, sans chercher à savoir qui a fait le premier pas a alors pris le chemin de l'exode et de l'errance.” Un jeune, dont le regard dégage de l'amertume, vient à la rescousse. “C'était encore plus dur pour les familles des victimes du faux barrage. À ce jour, ils n'ont pas entamé leur travail de deuil. Peut-on le faire quand on quitte le domicile funéraire avant même de confirmer la perte définitive du défunt ?”
Dans ce qu'il fut l'amphithéâtre du Creps, où d'illustres formateurs internationaux sans oublier les coachs des différentes équipes nationales, donnaient leurs briefings et conférences, des familles ont improvisé des foyers. Les draps faisant office de murs de séparation et la scène du salon collectif.
El hadja est l'une des damnées de Aïn Barbar. La malheureuse n'a pas pu se dénicher un coin pour former son “4 rideaux”. Ainsi, pour elle, le Creps est devenu un village. Une nuit, elle la passe chez l'une de ses filles, une autre chez une autre. Elle fait semblant d'entretenir une vie de collectivité en sa qualité d'aïeule, gardienne des liens familiaux. Alors qu'el hadja nous parlait de sa souffrance et de son errance, sa nièce et son neveu, Aymen et Iman, jouaient à vélo sur l'estrade de la scène de l'amphi. Une scène qui en dit long sur le drame d'une enfance qui n'a connu que l'orphelinat et la misère.
Dans un pavillon d'hébergement du Creps, Mohamed nous reçoit dans sa chambre qu'il partage avec sa petite famille et sa mère. Mohamed est furieux contre sa tutelle, le secteur de la santé. Il était infirmier au centre de Aïn Barbar. Quand il a fui le village, selon lui, sa direction aurait pu l'employer dans un autre centre doté d'un logement d'astreinte. Le toit de sa chambre qu'il partage avec 6 femmes, soit 4 filles, une épouse et une mère, tient difficilement. Retapé il y a peu, il vient de céder sous les dernières pluies.
La chambre mitoyenne à celle de Mohamed est celle qu'occupe la famille d'un des martyrs du massacre du 17 mai 2003. Le Patriote Salem. À notre vue, sa fille Bouchra, 8 ans à peine, se met à pleurer croyant à une incursion… Le suivi psychologique est du blabla débité l'espace de colloques, pas plus. Les enfants de Salem vivent partagés entre les grands-parents paternels, au centre, et maternels à Annaba. Salem, Patriote, a laissé derrière lui Bouchra et ses frères et sœurs dans une chambre ne disposant ni d'électricité, ni d'eau, ni de sanitaires, encore moins de chauffage. Après la perte de son seul protecteur, son père, Bouchra est en train de perdre sa dignité d'être humain. Quant à son statut de fille de chahid du devoir…
Dans ce village se côtoient les familles de Patriotes assassinés et celles des terroristes encore au maquis. C'est la teckchouka algérienne créée par le terrorisme.
Avant que nous quittions le centre, khalti Fatima, comme on l'appelle ici, a tenu à nous rencontrer pour nous crier : “Vous, journalistes, dites-leur qu'on n'est pas prêts à rentrer là-bas. Je ne prends pas le risque de me déshonorer et de mourir de faim. Les hommes, ceux qui ont les moustaches, peuvent y retourner. Mais, nous, les ouliate, sans hommes, comment allons-nous faire ? Allons-nous ramener d'autres hommes étrangers chez nous pour nous protéger ? Ils doivent nous écouter et comprendre notre malheur.” Nous quittons le centre du Creps après voir rencontré parmi les damnées de Aïn Barbar les mères des victimes du 17 août 2003 et celles de leurs bourreaux. Elles, sans populisme, vivent la réconciliation dans la dignité.
Entre-temps, elles demandent à être entendues sans ces porte-parole d'occasion qui parasitent le paysage plus qu'ils ne participent à son assainissement. Pour que la réconciliation réussisse, il faut vaincre le terrorisme et l'intégrisme, certes, mais il faut aussi écouter Bouchra et khalti Fatima. Ce sont ces dernières qui ont besoin d'être accompagnées dans leur long chemin vers le retour à la dignité.
M. K.


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