Lors d'une rencontre avec les éditeurs de la presse, mardi dernier à Alger, Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, a indiqué que le corps des Patriotes sera dissous, sans préciser les échéances, et que l'Etat prendra en charge la réinsertion sociale de ses membres. « La dissolution du corps des Patriotes a déjà commencé », indique Driss Zitoufi, chef Patriote à Chlef et député RND, contacté hier réagissant aux propos d'Ouyahia rapportés hier par le Jeune Indépendant. « Après l'entrée en vigueur de la loi sur la concorde (juillet 1999) et l'amélioration de la situation sécuritaire, beaucoup de Patriotes ont déposé les armes. Une tendance qui se poursuit toujours », ajoute-t-il. Selon lui, dans la région de Chlef, à 200 km à l'ouest d'Alger, il ne reste qu'un nombre réduit des 6000 Patriotes qui activent aux côtés des unités de l'armée. « Il persiste quelques petits groupes terroristes », explique Zitoufi, membre du bureau national du RND dont le secrétaire général est Ahmed Ouyahia. Zitoufi indique avoir déposé les armes et être retourné à son occupation d'entrepreneur. Selon lui, la plupart des Patriotes sont des agriculteurs, l'Etat les a aidés à retrouver leurs activités, grâce notamment au Programme national de développement rural et agricole (PNDRA). Certains Patriotes ont aussi été intégrés dans des sociétés de gardiennage ou recrutés au sein des détachements de la garde communale. Mohamed Nenouche, maire RND de Tassala El Merdja au sud d'Alger et ancien Patriote, explique, de son côté, que la plupart de ses collègues armés se sont réorientés vers le gardiennage. Plusieurs Patriotes ont été ainsi recrutés par Sonelgaz, l'Algérienne des eaux ou la Direction des forêts comme agents de sécurité. C'est sous le gouvernement Rédha Malek (août 1993-avril 1994) que l'idée de création des groupes de civils armés a été publiquement et officiellement lancée par le ministre de l'Intérieur, Salim Saâdi, lors d'un discours à Blida le 23 mars 1994. Le ministre avait évoqué alors la mise en place d'une « défense civile ». Le général-major Mohamed Touati, aujourd'hui à la retraite, avait, en mars 1993, suggéré dans la revue El Djeïch « d'impliquer la société civile dans la lutte antiterroriste » en créant des « groupes d'autodéfense encadrés par des anciens moudjahidine ou des ex-militaires ». A partir de 2000-2001, après la loi sur la concorde civile et le décret présidentiel portant « grâce amnistiante » de janvier 2000, la presse a fait état d'une vague de désarmement des Patriotes qui tentèrent ensuite de s'organiser en lançant la Coordination des Patriotes algériens de légitime défense (CPALD). Coordination qui aurait été empêchée de voir le jour par les pouvoirs publics. Les Patriotes désarmés pour cause de dépassements ? « Il s'agit d'une minorité qui a transgressé la loi et qui est passée devant la justice, comme cela peut arriver dans n'importe quel corps de sécurité », atteste Nenouche qui se dit satisfait que le « projet de charte » mentionne les Patriotes « alors qu'avant, à part Ouyahia, les officiels n'en parlaient pas ». « Nous, les responsables des Patriotes, les services de sécurité ainsi que l'Etat, nous tentons toujours de trouver des solutions », dit Driss Zitoufi. Il rappelle que les anciens combattants de la guerre de Libération n'ont bénéficié de loi qu'au milieu des années 1980. « En tous les cas, l'Etat n'abandonnera pas les Patriotes », affirme-t-il annonçant que les pouvoirs publics devront promulguer des textes pour organiser la prise en charge des Patriotes. « Surtout qu'il y a eu des pertes, des blessés, des malades chroniques... », précise le député Zitoufi.