La police anti-émeute a violemment réprimé les manifestants hier au Liban, au deuxième jour d'une contestation qui prend les formes d'une véritable escalade, alors que la classe dirigeante n'arrive toujours pas à former un gouvernement, deux mois après la démission du Premier ministre Saad Hariri. Tirs de balles en caoutchouc, grenades lacrymogènes, canons à eau, les forces de l'ordre ont sorti dimanche la "grosse artillerie", comme samedi, contre les manifestants rassemblés par centaines dans le centre-ville de Beyrouth, à l'entrée d'une avenue menant au Parlement. La veille déjà, pas moins de 400 manifestants ont été blessés dans des affrontements, les plus violents depuis le début de la contestation le 17 octobre 2019. Le bilan des blessés, selon la Croix-Rouge, est monté à plus de 550, après les événements nocturnes de dimanche. Si la grande majorité des victimes a pu être secourue sur place, plusieurs manifestants, touchés au visage par des projectiles, ont dû être opérés dans l'hôpital de la capitale. Selon la presse libanaise, une dizaine de policiers ont été également blessés suite aux jets de pierres et de projectiles en tout genre lancés par les manifestants. L'ancien Premier ministre Saad El-Hariri et président du parti Le Courant du Futur a appelé hier à la formation urgente d'un gouvernement pour arrêter la "série d'effondrements". M. Hariri a déclaré que "le Liban avait besoin d'un nouveau gouvernement de toute urgence pour arrêter la chaîne de l'effondrement et les répercussions économiques et sécuritaires". Hier, des centaines de protestataires sont descendus à nouveau dans les rues de la capitale et des grandes villes du pays. En trois mois de contestation, la colère n'a fait que croître parmi les manifestants, qui fustigent l'apathie des dirigeants : la crise économique s'aggrave avec des licenciements en masse, des restrictions bancaires et une forte dépréciation de la livre libanaise face au dollar. Les politiciens libanais ne se sont pas mis d'accord sur un nouveau gouvernement ni sur un plan pour sauver l'économie. Hassan Diab, désigné comme Premier ministre, peine à former son cabinet. Les tractations avec les grands partis traînent, chaque faction cherchant à garantir sa représentation au sein de la future équipe, alors qu'en face la rue exige inlassablement un gouvernement de technocrates, indépendants de l'actuelle classe dirigeante, quasi inchangée depuis des décennies.