Le sentiment antiaméricain est aussi présent chez les pro-iraniens que chez les Irakiens qui manifestent contre la classe politique locale depuis le 1er octobre 2019, accusée d'incompétence et de corruption. Des milliers de partisans du puissant leader chiite Moqtada Sadr ont manifesté hier à Bagdad pour demander l'expulsion des troupes américaines d'Irak, où le sentiment antiaméricain a redoublé ces dernières semaines. Aux cris de "Dehors, dehors, occupant" ou "Oui à la souveraineté", une foule de fidèles de Moqtada Sadr, hommes, femmes et enfants parfois venus en bus d'autres régions, se sont rassemblés dans le quartier de Jadriyah, agitant des drapeaux irakiens. Ce rassemblement est distinct des manifestations antigouvernementales qui avaient perdu un peu de leur élan après l'assassinat par les Etats-Unis, le 3 janvier à Bagdad, du général Qassem Soleimani, émissaire iranien en Irak, qui a entraîné un pic de tensions entre Téhéran et Washington, ennemis jurés mais puissances agissantes en Irak. Dans un communiqué lu sur une estrade par un porte-parole, Moqtada Sadr a appelé au retrait des forces américaines d'Irak, à l'annulation des accords sécuritaires entre Bagdad et Washington et à la fermeture de l'espace aérien irakien aux avions militaires américains. Le leader chiite a aussi appelé le président américain Donald Trump à ne pas être "arrogant" face aux responsables irakiens. "Si tout cela est fait, nous traiterons (avec les Etats-Unis) comme avec un pays non-occupant, sinon nous les considérerons comme un pays hostile à l'Irak", a-t-il ajouté. Plusieurs factions paramilitaires irakiennes comme celles, pro-iraniennes, du Hachd al-Chaabi, habituellement rivales de M. Sadr, avaient soutenu son appel à manifester. Le mouvement de contestation déclenché le 1er octobre a en effet été relégué au second plan après la mort de Soleimani et d'Abou Mehdi al-Mouhandis, son lieutenant irakien. Deux jours plus tard, le Parlement irakien avait voté en faveur du départ des troupes étrangères, dont 5200 militaires américains déployés pour aider les Irakiens dans la lutte antiterroriste. Les opérations de la coalition internationale antiterroriste menées par Washington sont à l'arrêt depuis et les discussions avec Bagdad sur l'avenir des troupes américaines n'ont pas encore commencé, selon le coordinateur américain de la coalition, James Jeffrey. Opposant de longue date à la présence américaine en Irak, Moqtada Sadr a réactivé après la mort du général Soleimani sa milice, "l'Armée du Mehdi", qui avait combattu les soldats américains durant l'occupation de l'Irak entre 2003 et 2011. Autoproclamé "réformiste" après avoir apporté son soutien au mouvement de contestation, il dirige aussi le plus gros bloc au Parlement et plusieurs de ses alliés occupent des postes ministériels.