Les avocats ont déconstruit les accusations, fondées sur une dizaine de posts sur les réseaux sociaux. Le procès de l'activiste Samir Belarbi s'est ouvert, hier au tribunal de Bir Mourad-Raïs vers 16h. Le président de la section correctionnelle a demandé au collectif de défense de désigner trois à cinq avocats pour les plaidoiries afin de limiter la durée de l'audience. Me Abdelghani Badi a répondu que le prévenu a droit à l'intervention de l'ensemble de ses avocats, mais que la défense est disposée à déléguer deux à trois représentants si le temps gagné est rentabilisé par le prononcé du verdict le jour même. Après une suspension de 5 minutes, l'audience a repris par la présentation de trois mémoires qui consignent les vices de procédure en la forme. Me Haboul a parlé de la violation de l'article 17 alinéa 2 du code de procédure pénale lors de l'arrestation opérée le 16 septembre 2019 ; la mention dans le PV de la Police judiciaire d'instructions reçue d'un centre de décision autre que le mandat du procureur de la République ; du placement du prévenu en garde à vue sans préciser la durée de l'interrogatoire et de l'obtention de preuves matérielles servant à appuyer l'accusation sans mandat de perquisition délivré par le Parquet. À ce titre, il a requis l'abandon des poursuites judiciaires contre Samir Belarbi. Ce dernier, qui avait pris la parole sur ordre du juge, a aussitôt récusé les chefs d'inculpation retenus contre lui, soit "atteinte à l'unité nationale" (article 79 du code pénal) et "distribution de tracts et de publications susceptibles de nuire à l'intérêt national et aux institutions de l'Etat" (article 96 du même texte de loi). Il a affirmé qu'il est poursuivi sur la base de quelques posts sur les réseaux sociaux (une dizaine selon les avocats) parmi des milliers de publications et interventions dans les médias, depuis 2009. "Je reconnais que je suis auteur de ces posts et que j'utilise les réseaux sociaux pour exprimer mes opinions, mais je n'ai jamais attenté à l'unité de mon pays" s'est-il défendu, ajoutant qu'il accompagne systématiquement ses écrits publics par le triptyque unité-force-pacifisme. Il a rappelé qu'il "a toujours milité de manière pacifique. Tout le monde peut en témoigner (...) Je suis innocent. Je suis victime de pratiques qui portent atteinte, en revanche, à l'unité nationale". Le procureur de la République a cité un post, utilisé comme une preuve à charge : "Nous sortons de l'adoration du cadre pour entrer dans le culte de la casquette". "C'est vous qui l'avez écrit", a-t-il interrogé. "Oui. Et je suis en mesure de vous faire une conférence pour expliquer chacune de mes publications", a répliqué Samir Belarbi. Le procureur de la République a conclu, sans épiloguer davantage sur le propos, que l'accusation est prouvée. Il a requis, en conséquence, trois ans de prison ferme. Me Mechri a ouvert le bal des dix plaidoiries, sur lesquelles se sont mis d'accord les avocats. "Que celui qui s'attelle à éveiller la conscience collective soit accusé d'atteinte à l'unité nationale et incitation à la désobéissance civile est une honte. Ce procès discrédite l'Etat", a-t-il asséné d'une voix haute. Lui succédant à la barre, Me Haboul a soutenu que l'accusation est sans fondement car le corps du délit est inexistant. "Aucune instance judiciaire, même pas la Cour suprême, ne peut donner une définition de l'unité nationale, pour laquelle notre mandant a passé des mois en prison, alors que la Constitution lui garantit la liberté d'expression". Me Zoubida Assoul a souligné que les articles 79 et 96 du code pénal datent de 1975. Ils ont été inspirés par un contexte politique (conflit algéro-marocain sur le Sahara occidental) et institutionnel (parti unique, absence de Parlement) aux antipodes de la conjoncture actuelle. "Ces notions ne peuvent s'appliquer que pour une agression étrangère, par sur un citoyen algérien", a-t-elle argumenté, en insistant sur le fait qu'il est aberrant de condamner une personne sur la foi de posts sur Facebook. Me Abdelghani Badi s'est échiné à déconstruire les chefs d'inculpation en mettant en exergue l'engagement de Samir Belarbi dans le combat politique depuis les années 90. Me Bouchachi a particulièrement mis en cause les conditions de l'interpellation qui n'a nullement respecté, a-t-il dit, les procédures. Il insiste également sur le passé militant de son client. "Ces accusations sont utilisées dans les régimes totalitaires contre les opposants politiques", a-il martelé. Le verdict sera rendu le lundi 3 février.