Le procureur de la République près le tribunal de Mostaganem a requis, hier, 18 mois de prison ferme contre Brahim Daouadji, hirakiste arrêté le 12 octobre 2019, et une année contre ses trois compagnons Oussama Tifour, Djilali Mohamed et Ayatallah Amirat. Mis en délibéré, le verdict devrait être connu le 27 janvier. Les accusés ont été jugés pour outrages et violences à fonctionnaires de l'Etat (art. 144 du code pénal), exposition au regard du public de documents de nature à nuire à l'intérêt national (art. 96), attroupement non armé (art. 100) et atteinte à l'intégrité nationale (art. 79 modifié). À la barre, Brahim Daouadji et ses coaccusés ont rejeté les accusations portées contre eux en expliquant avoir simplement exprimé leur opinion, ce qui est un droit consacré par la Constitution algérienne. Interrogés sur les appels à boycotter l'élection présidentielle du 12 décembre, les accusés ont, là aussi, répondu avoir exprimé leur opinion et n'ont pas incité les Algériens à bouder les urnes même si, comme l'a souligné Brahim Daouadji, "nous étions déjà sortis du cadre constitutionnel" au moment des faits, soit en octobre 2019. Au réquisitoire du procureur de la République, la quinzaine d'avocats, venus de plusieurs wilayas pour défendre bénévolement les détenus du hirak, ont opposé l'absence de preuves matérielles soutenant les lourdes accusations pour demander la relaxe pure et simple des prévenus. "En quoi exprimer son opinion peut-il menacer l'intégrité du pays ? En quoi crier ‘makanch intikhabat mâa el-içabat (pas de vote avec la bande)' peut-il porter atteinte à l'unité nationale ?", ont notamment demandé les avocats qui ont plaidé la nécessaire "séparation entre le politique et le judiciaire" dans le traitement du dossier. Dans leurs interventions, Mes Mebrek, Fatima Zohra Meziane, Mustapha Bouchachi, Abdelghani Badi et tous les avocats qui se sont constitués pour la défense de Brahim Daouadji et ses compagnons, se sont insurgés contre la violation flagrante des libertés garanties par la Constitution, qui ont notamment conduit Daouadji — interpellé et mis en cellule avec son fils de 3 ans, que son grand-père est venu récupérer quelques heures plus tard) — à faire la grève de la faim en signe de protestation. "Il a observé une grève de la faim à deux reprises, ce qui a failli lui coûter la vie", a rappelé Me Abdelghani Badi qui a eu à constater une perte de poids inquiétante chez son client. Brahim Daouadji a, en effet, été hospitalisé en novembre en raison des effets de la grève de la faim sur sa santé, ce qui a suscité l'émoi des hirakistes algériens qui l'ont supplié d'y mettre un terme. Les accusations portées contre les prévenus "n'étant pas soutenues par des éléments de preuves tangibles", selon ce que les avocats ont estimé, Me Bouchachi a axé son intervention sur l'aspect politique de l'affaire. Après s'être étonné que les accusés n'aient pas été jugés en comparution immédiate, il a affirmé que "l'appel à ne pas voter n'est pas un crime et n'est puni par aucun texte de loi (…) Il y a la nation et il y a le pouvoir politique (…) D'ailleurs, ceux qui ont appelé au rejet de l'élection ont eu raison puisque nous n'avons constaté aucun changement depuis l'élection du 12 décembre". En substance, il a fait l'éloge du hirak qui est "la plus belle chose que l'Algérie a offerte au monde", et qu'il convient de ne pas "le souiller avec ce genre de poursuites judiciaires". À noter que pendant le déroulement du procès, des hirakistes ont organisé, face au tribunal de Mostaganem, un rassemblement de soutien aux accusés.