Jean El-Mouhoub Amrouche est considéré comme l'un des fondateurs de la littérature algérienne d'expression française, dont cette année 2020 marque le centenaire. En pleine guerre d'Algérie, entre 1958 et 1962, un homme se bat sur les ondes de la Radio suisse romande pour porter la voix de son pays en guerre contre le colonialisme français. Son combat, il l'avait longtemps mené à la RTF avant qu'il ne soit licencié sur ordre du Premier ministre de l'époque, Michel Debré, en raison de ses "accointances avec le FLN". Bien introduit dans les milieux intellectuels français, écrivain reconnu et journaliste émérite, son engagement pour l'indépendance de l'Algérie dérangeait les autorités françaises. Cet homme s'appelait Jean El-Mouhoub Amrouche. L'histoire de sa famille a fait l'objet d'un récit émouvant écrit par la mère de Jean El-Mouhoub et de Taos, Fadhma Ath Mansour Amrouche, sous le titre : Histoire de ma vie (publié en 1968 à titre posthume). À la fois poignante et bouleversante, la vie des Amrouche est l'exemple même du déchirement social et culturel. La fin du XIXe siècle est le point de départ de la saga d'une famille écartelée entre désir de vie et traditions implacables qui ne lui ont laissé que l'exil comme issue. Jean El-Mouhoub, qui a commencé à écrire des poèmes à la fin des années vingt, peut être considéré comme l'un des fondateurs de la littérature algérienne d'expression française, dont cette année 2020 marque le centenaire. Né en 1906 à Ighil Ali, il suit sa famille à Tunis, y poursuit des études, y enseigne et s'y marie. L'enseignant publie son premier recueil de poèmes en 1934, puis devient réalisateur d'émissions littéraires à Radio-Tunis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il travaille pour Radio France, au service du général de Gaulle. À Alger puis à Paris, Jean Amrouche s'investit dans la presse où il traite essentiellement de littérature. Entre 1944 et 1959, il est journaliste à la Radio nationale française où il invite des écrivains, artistes, philosophes pour des entretiens. Après son départ de la RTF, il poursuit son combat à la Radio suisse romande et garde une certaine communion d'idées avec le général de Gaulle qu'il voulait sensibiliser à la cause de l'indépendance algérienne. "Il a perçu en le général de Gaulle l'homme qui pouvait faire sortir l'Algérie de la guerre et lui permettre d'accéder à l'indépendance. À l'adresse de de Gaulle, il multipliait les messages relatifs à la situation des Algériens. Dans cette tragique période, il est l'un des rares, avec Michel Rocard, à avoir qualifié de génocide la politique des camps de regroupement dans lesquels beaucoup mouraient de faim... Jean Amrouche est perçu, en même temps, comme anticolonialiste par les Français, nationaliste par les Algériens. Ami de Ferhat Abbas, de Krim Belkacem, il devient le messager du FLN tout en étant l'ami du général de Gaulle et de sa politique de décolonisation." De sa propre initiative, il cherchait à établir une médiation entre le général et le FLN, qui se voulait un prélude à des négociations. Tout près du but, une grave maladie l'emportera le 16 avril 1962 à Paris, juste après le cessez-le-feu et à deux mois de la proclamation de l'indépendance. Jean Amrouche a laissé une bibliographie dont on peut citer : Cendres, poèmes (1928-1934), Tunis, éditions de mirages, 1934, Etoile secrète, poème, Tunis, Les Cahiers de Barbarie, 1936, Chants berbères de Kabylie, 1947, collection Poésie et théâtre dirigée par Albert Camus, Alger éditions Edmond Charlot, 1947, Espoir et Parole, poèmes algériens recueillis par Denise Barrat, Paris, Pierre Seghers éditeur, 1963 (incluant les poèmes Ebauche d'un chant de guerre, à la mémoire de Larbi Ben M'hidi, mort en prison le 4 mars 1957, et Le Combat algérien, écrit en juin 1958). Jean Amrouche a également tenu un journal (1928-1962), édité par Tassadit Yacine en 2009.