Retranché depuis un an à Bagdad, dans la banlieue qui porte le nom de son père, un ayatollah assassiné par Saddam Hussein, Moqtada Sadr, refait surface au moment où la bataille pour la Constitution du nouvel Irak fait rage. En fait, la lutte de pouvoir au sein des chiites a commencé. Depuis le bain de sang de Nadjaf, il y a plus d'un an, les miliciens de Moqtada Sadr s'étaient retranchés dans leur antre, dans la banlieue de Bagdad, qui porte le nom de son père, un ayatollah assassiné par Saddam. Sadr fils avait même fini par disparaître du quotidien des Irakiens, y compris au sein de sa communauté chiite. Mais l'incident survenu en fin de semaine est vite venu rappeler à quel point la situation reste volatile en Irak. Tout a commencé par des affrontements violents entre les partisans du jeune imam radical, qui venait de rouvrir ses bureaux au cœur de la ville sainte et ses opposants. Moqtada Sadr, qui impute la responsabilité des troubles au Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), son grand rival chiite qui détient la majorité dans le Parlement et le pouvoir intérimaire, réactive ses réseaux de miliciens à travers le pays, faisant même exploser différents bureaux du parti dirigé par Al Hakim. En moins de quarante-huit heures, Moqtada contrôlait différents carrefours stratégiques de Bassora, Nadjaf ou encore Sadr City, la banlieue chiite de Bagdad. Puis, on ne sait pourquoi, le jeune leader revient en arrière, exigeant la fin des affrontements armés et appelant ses adversaires à la retenue. Pourtant, la crise s'était exacerbée avec la démission de 21 députés et de 3 ministres proches de Moqtada, qui protestaient contre l'attaque du bureau de leur chef. Les choses se sont tassées mais cet incident peut cacher un nouvel orage à venir, estime-t-on à Bagdad. Car, derrière ces affrontements se cachent d'importantes divisions politiques qui opposent le mouvement de Sadr aux membres du CSRII. Recrutés dans les milieux populeux, adeptes et farouches défenseurs d'un islam radical, les hommes de Moqtada rejettent en bloc le principe du fédéralisme, défendu par le CSRII. Pour le jeune imam radical, il risquerait de faire éclater le pays. Les partisans d'Al Hakim, se recrutant notamment au sein des lettrés et des classes moyennes chiites, y voient, au contraire, un moyen de donner au Sud chiite, oppressé sous Saddam, un plus grand rôle dans le futur Irak. C'est en fait une véritable lutte pour le pouvoir qui oppose les deux clans chiites. Bassora, sur la rive du Chatt al Arab, en est le meilleur exemple. Là, les hommes du CSRII contrôlent la compagnie pétrolière locale, alors que les miliciens de Moqtada, ont la mainmise sur le campus universitaire et dans certains hôpitaux où ils ont réussi à imposer leur ordre moral. De nouvelles tractations devaient se dérouler, hier, en vue d'un consensus sur la Constitution, sans que ne soient apurées les divergences sur le fédéralisme et le statut du parti Baas du président déchu Saddam. Sur ce dernier point, la question est : faut-il interdire ou pas toute mention de ce parti et toute possibilité de sa renaissance ? Les sunnites, dont le Baas était la formation qui leur avait octroyé tous les pouvoirs et avantages découlant de la rente pétrolière, affirment qu'il n'y pas besoin de le mentionner dans la Constitution du moment qu'il y a une loi sur la débaassification. Dernier point de divergence : l'étendue des pouvoirs du Premier ministre. En dépit de ces difficultés, le gouvernement intérimaire espère un accord qui permettrait aux dirigeants politiques d'éviter des complications et de s'exposer à la pression de l'opinion publique. Les Etats-Unis font tout pour arracher cet accord. D. Bouatta