Les gendarmes n'ont pas hésité à recourir à la violence physique qui a entraîné plusieurs blessés. Les scènes, inédites dans les annales de la justice, ont été diffusées sur les réseaux sociaux, suscitant l'indignation dans le monde. Ayant constaté que le ministère de la Justice n'avait pas rendu les conclusions de l'enquête sur les violences qui ont ciblé les magistrats grévistes à la Cour d'Oran le 3 novembre dernier, le Syndicat national des magistrats vient de porter plainte auprès du procureur général près la Cour d'Oran contre les responsables des graves dérives de ce dimanche-là. C'est ce que le SNM a annoncé, avant-hier, dans un communiqué rendu public à l'issue d'une réunion régionale ayant regroupé, ce 1er février, les magistrats au Palais de justice d'Oran. "(…) Le Syndicat national des magistrats a porté plainte (…) contre ceux qui ont donné l'ordre d'agresser les magistrats et ceux qui l'ont exécuté", affirme le texte signé par Issad Mabrouk qui, par ailleurs, souligne la colère des magistrats qui ne comprennent pas que les responsables de cette grave dérive n'aient pas encore été sanctionnés. Le 3 novembre 2019 au matin, date arrêtée pour l'ouverture de la nouvelle session criminelle, les magistrats, qui se trouvaient en grève ouverte depuis le 27 octobre, ont été effarés par l'apparition de la gendarmerie antiémeute dans la salle des pas perdus avec pour mission de les expulser de la salle d'audience du tribunal criminel pour permettre l'ouverture de la session. Devant la résistance pacifique des magistrats grévistes, les gendarmes n'ont pas hésité à recourir à la violence physique qui a fait plusieurs blessés. Les scènes, inédites dans les annales de la justice, ont été diffusées en direct sur les réseaux sociaux, suscitant l'indignation générale dans le monde. "Ce qu'il s'est passé à Oran a jeté l'opprobre sur le ministère de la Justice et son premier responsable, Belkacem Zeghmati", ont unanimement condamné tous les observateurs. Le SNM, qui avait alors annoncé la rupture des négociations avec le ministère de la Justice, a surpris son monde en appelant, deux jours plus tard, les magistrats grévistes à suspendre le mouvement et à reprendre le travail. Un accord, a-t-il expliqué, avait été conclu entre les deux parties, qui prévoyait notamment la "révision" du mouvement opéré par Belkacem Zeghmati, et qui avait touché 3 000 magistrats, l'amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles et le lancement d'une réflexion sur les moyens de parvenir à une justice indépendante. La suspension de la grève — avec ce bilan pas très reluisant pour des magistrats qui juraient de lutter jusqu'à l'affranchissement de la justice du pouvoir exécutif — a été dénoncé par de nombreux grévistes, y compris par le Club des magistrats qui a considéré l'accord comme une soumission au ministre de la Justice. Aujourd'hui, le SNM veut que des mesures coercitives soient prises contre "tous les responsables" des violences du 3 novembre, en l'occurrence le parquet d'Oran qui a ordonné l'intervention musclée et le corps de gendarmerie qui l'a exécutée, selon ce que des magistrats nous avaient expliqué, en avertissant contre toute "procrastination" du ministère qui risquerait d'étendre davantage la situation à quelques semaines de la tenue de la 1re session ordinaire du Conseil national du SNM.