Le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, a instruit, avant-hier, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, de procéder à la régularisation de la situation juridique des journaux électroniques domiciliés en Algérie. À son tour, le Premier ministre a instruit le ministre de la Communication, Ammar Belhimer, de mettre en pratique la décision du chef de l'Etat dans les meilleurs délais. Selon la même instruction, les médias concernés "seront traités sur un pied d'égalité avec la presse nationale écrite en matière de couverture des activités nationales et officielles et d'accès à la publicité publique, et ce, dans le strict cadre de la loi et de la déontologie de la profession". La décision d'Abdelmadjid Tebboune de mettre de l'ordre dans le secteur est à saluer. Cette décision est attendue depuis des années, car nombreux sont les confrères qui ont décidé d'investir la Toile pour lancer des journaux électroniques. Cependant, cette entreprise est considérée comme une aventure, tant les pouvoirs publics n'ont pas pris le soin, sciemment ou pas, de produire les textes devant régir le secteur. La décision du chef de l'Etat de traiter ces médias électroniques sur un pied d'égalité avec les autres titres de la presse nationale, à savoir les journaux et les télévisions, est aussi à saluer. Toutefois, des questions sur la gestion de ce secteur s'imposent. On est en droit de s'interroger sur les critères qui seront arrêtés par les pouvoirs publics pour distribuer la manne publicitaire étatique que détient l'Anep. Une gestion "politique" de l'accès à la publicité publique n'est pas totalement à écarter d'autant plus que dans ce domaine, il n'existe aucune loi qui régisse la gestion et la distribution de la publicité publique. Une loi sur la publicité est une condition sine qua non pour une meilleure gestion du portefeuille publicitaire de l'Anep. Cette loi, qui n'a jamais existé, doit voir le jour pour connaître les critères sur lesquels un organe de presse peut bénéficier de la publicité publique. Il faut rappeler dans ce sillage que la seule tentative de faire une loi s'était heurtée à un blocage, le moins que l'on puisse dire, voulu à la Chambre haute du Parlement, et ce, au début des années 2000. Deux décennies plus tard, des centaines, voire des milliers de milliards de dinars ont été "distribués" aux journaux, mais sans aucune référence légale pouvant justifier l'octroi de tant de pages de publicité à tel journal et non à tel autre. Durant toutes ces années, seul le critère politique ou, autrement dit, le principe d'allégeance a commandé cette opération de distribution de la publicité étatique. En faisant abstraction des critères économiques dans l'octroi de la publicité aux organes de presse, les pouvoirs successifs ont fait de la publicité publique un moyen de pression sur la presse. Des années durant, ce sont le nombre de pages de publicité Anep octroyées qui déterminaient les lignes éditoriales de ces journaux. À l'aune de la gestion clientéliste de la manne publicitaire de l'Anep, le doute sur la reconduction de cette même gestion avec les journaux électroniques est permis. Sans une loi sur la publicité, le pouvoir continuera à user de cette manne comme un moyen de pression. Sans tirer de conclusions hâtives sur le contenu du texte de régularisation que devra proposer l'Exécutif pour mettre de l'ordre dans la presse électronique, s'entêter à faire fi de la nécessité d'une loi sur la publicité maintiendra le secteur dans le flou et le clientélisme.