Tandis que Moubarak reçoit une couverture optimale dans les médias, ses rivaux, anonymes pour la plupart, restent à la traîne. Même dans la presse indépendante, le raïs, presque octogénaire, vient en tête. Le Caire, à une semaine des présidentielles, est pavoisée de drapeaux et d'affiches proposant la dizaine de candidats en lice. Une élection pluraliste est une première en Egypte où jusqu'ici l'omnipotent parti au pouvoir désignait son candidat que le Parlement adoptait, sans coup férir, et pour lequel était organisé enfin un référendum populaire dont les chiffres de la participation et de l'acquiescement ne devaient surtout pas descendre au-dessus de la barre des 90%. Mais ce n'est là qu'une illusion. En réalité, la floraison de couleurs et de portraits ne convainc personne, surtout pas les ONG égyptiennes. Deux d'entre elles, parmi les plus importantes, ont vertement critiqué la couverture accordée dans les grands médias au président Hosni Moubarak, candidat à sa réélection le 7 septembre, tout en relevant les efforts d'objectivité de certains journaux sur lesquels la mainmise du pouvoir est moins forte. La majorité des journaux gouvernementaux font la publicité du candidat du parti au pouvoir, le Parti national démocrate dirigé par le propre fils de Moubarak, ne s'empêchant pas d'attaquer avec virulence ses principaux rivaux. L'institut du Caire pour les études sur les droits de l'Homme a établi une étude sur quatre chaînes de télévision gouvernementales et deux indépendantes, ainsi que sur 17 journaux officiels et indépendants, pendant la première semaine de la campagne électorale, qui a commencé le 17 août. Tout ce monde roule pour Moubarak. Selon l'étude la couverture médiatique est, tout de même, un pas important en ce sens que pour la première fois l'Egypte fait place aux rivaux électoraux du président sortant mais, souligne le document, la valeur politique de ce changement reste très formelle. Pouvait-il en être autrement dans un pays où la politique a été étroitement confondue avec le régime Moubarak au cours d'un quart de siècle ? L'institut déplore l'absence de débats télévisés entre les candidats et le silence de la commission électorale face aux violations dans le domaine médiatique. Par contre, quelques journaux indépendants, comme Al Masri al Yom et Nahdet Masr, tentent de sortir du lot plébiscitaire en présentant une couverture exceptionnelle, au niveau de l'information et de l'analyse. Mais là aussi le jeu a été bouclé puisque les candidats opposés à Moubarak brillent par leur anonymat. Tel ce nonagénaire, candidat du parti Oumma, dont le programme électoral est détaillé dans son dernier livre : “Les psaumes de Sabahi”, 23e volume d'une œuvre ésotérique entièrement dédiée au président Hosni Moubarak. Le candidat lui-même définit sa candidature comme un défi amical, un acte de célébration de cette première élection égyptienne démocratique ! Les Egyptiens avaient fini par se moquer des horoscopes que rédige cet homme, qui cherche une quatrième épouse. La candidature de ce personnage est une caricature mais donne bien l'idée que s'était faite la commission de validation des candidatures du pluralisme électoral. Âgé de 77 ans, Moubarak, au pouvoir depuis 24 ans, devrait remporter haut la main son cinquième mandat consécutif. La démocratie et les réformes dans le pays des pharaons ne sont pas encore au rendez-vous. D. Bouatta