L'effort de communication d'un régime hermétique n'est pas fait pour rassurer l'opinion sur la santé du Raïs. Les blogs, les sites Internet et les journaux online en font leurs choux gras. L'opinion égyptienne s'enflamme et les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé du président Hosni Moubarak font rage dans les rues du Caire. Surtout qu'une télévision russe a relayé ces informations annonçant dans un bulletin spécial que le président égyptien serait mort. L'affolement a gagné même les milieux financiers égyptiens craignant le pire. Hier, lundi, la Bourse du Caire a perdu du terrain dans ce climat alimenté par le oui-dire et des interrogations sur la santé du président. Hosni Moubarak n'est pas apparu publiquement depuis maintenant dix jours, ce qui est rare pour les Egyptiens habitués à l'omniprésence du Raïs dans les médias publics. Après son opération, l'hôpital d'Heidelberg (sud-ouest de l'Allemagne) qui a consisté en l'ablation de la vésicule biliaire et au retrait d'un polype du duodénum, a fait savoir que M.Moubarak, «allait bien», et la télévision publique égyptienne a qualifié son état de «stable». Mais cet effort de communication d'un régime hermétique n'est pas fait pour rassurer l'opinion. Les blogs, les sites Internet et les journaux online hostiles au régime de Moubarak en font leurs choux gras et se relaient en analyses et déclarations: «Il y a un manque général de confiance entre le gouvernement et la population. Les communiqués (sur la santé du chef de l'Etat) ne font pas grand-chose pour répondre aux grandes questions», estime Imad Gad, du Centre al-Ahram d'études politiques. Abdallah al-Senawy, éditorialiste de l'hebdomadaire Al-Arabi, doute de l'effort de transparence sur cette opération et estime qu'elle présage d'un changement imminent en Egypte. «Le rideau de silence va tomber à nouveau sur la santé du président», prédit-il. Alarmiste, le site «hanein.info» pousse plus loin l'information et rapporte que le président Moubarak n'a pas été opéré de la vésicule biliaire, mais «il a subi deux interventions pour éliminer des tumeurs au foie et au pancréas». La même source ajoute qu'il aurait «un cancer à l'estomac pour lequel il avait déjà été opéré il y a plusieurs années». Rien de plus catastrophique pour l'Egypte surtout que «les chances d'un retour rapide du président aux affaires sont très minces, et que la situation semble irréversible», estime la même source. Par cette hospitalisation, c'est un chapelet de questions, dont certaines sont presque insolubles, qui se posent. En premier lieu, il y a l'avenir de l'Egypte qui est engagé si le président décède. Qui pourra calmer les 80 millions d'Egyptiens dont la majorité vit dans la précarité? En d'autres termes, qui assurera la succession du moins, jusqu'à la prochaine présidentielle de septembre 2011? Contrairement à Gamal Abdel Nasser et Anouar El Sadate, M.Moubarak a supprimé la fonction de vice-président depuis sa prise du pouvoir en 1981. L'opposition égyptienne, qui s'est réunie d'ailleurs, au début de cette semaine, acceptera-t-elle à la tête du pays le fils cadet de M. Moubarak, Gamal? La course à la succession du dernier des pharaons est engagée et un candidat s'est déjà déclaré, Mohamed El Baradeï, ancien président de l'Aiea, qui souhaite une démocratisation de l'Egypte. Les observateurs estiment que cette candidature fera long feu pour une raison bien simple: comme dans la plupart des pays arabes, le président est toujours issu des rangs de l'armée. Et de ce point de vue, c'est le général Omar Sleimane, actuellement chef des Moukhabarate qui semble bien parti. Non seulement il est issu de l'armée mais aussi il a constitué un réseau régional et international très important. Le général Sleiman est impliqué dans les négociations de paix israélo-palestiniennes, il s'est également impliqué dans les dossiers du Soudan, le partage des eaux du Nil et d'autres dossiers stratégiques pour l'Egypte. A la personne qui va succéder à Moubarak, se pose aussi la question de l'équilibre régional et de l'immunité de l'Egypte vis-à vis de l'extérieur. Incontestablement, Hosni Moubarak joue un rôle important dans l'équilibre de la région, entre le Liban, Ghaza et Israël. Les Américains ont toujours misé sur cette influence du Raïs. Un changement éventuel bouleversera cet équilibre instable. Enfin, il y a la vulnérabilité de l'Egypte qui se découvrira sans Moubarak. Isolée depuis1979, date de la signature des accords de Camp David, l'Egypte a été remise sur rails par Moubarak arrivé au pouvoir en 1981. Le siège de la Ligue arabe réintègrera Le Caire en mars 1990. Depuis lors, le Raïs s'implique dans tous les conflits qui secouent la région, à la demande de son allié américain. Aux USA, Moubarak ne peut rien refuser dans la mesure où l'Egypte est deuxième récipiendaire de l'aide US au monde, après Israël. Du coup, la marge de manoeuvre des Egyptiens est très étroite et elle le sera davantage avec la disparition de Hosni Moubarak.