L'Exécutif n'a plus de choix que d'envisager, sans délai, des réformes structurelles, certes lourdes, mais nécessaires pour limiter l'érosion des réserves de change. Dans sa dernière note de conjoncture pour le 1er semestre de l'année, la Banque d'Algérie a levé le voile sur une baisse de 8,72 milliards de dollars des réserves de change, passant de 97,33 milliards de dollars à fin décembre 2017 à 88,61 milliards à fin juin 2018. Les pertes se chiffrent, néanmoins, à près de 105 milliards de dollars de juin 2014 à juin 2018 ; une contraction due essentiellement au déficit de la balance des paiements, qui "demeure encore relativement élevé", de l'avis des responsables de la Banque d'Algérie qui n'ont pas hésité à sonner le tocsin pour appeler à des "efforts supplémentaires d'ajustement pour rétablir les équilibres macroéconomiques, assurer la viabilité de la balance des paiements et limiter l'érosion des réserves officielles de change". Dit autrement, l'Exécutif ne fait pas assez pour endiguer la fonte des réserves de change, tant au plan de la compression des importations qu'en matière de diversification des revenus en devises. Un désaveu on ne peut plus clair à un Exécutif qui peine à lutter contre ce qu'il appelait "les importations superflues" et tous les fléaux qui gravitent autour du métier d'importation, dont la surfacturation, l'évasion fiscale, le transfert illégal de devises, etc. Du côté des revenus, le gouvernement semble se contenter de scruter le marché pétrolier plutôt que de mettre à exécution son discours en faveur du soutien aux exportations hors hydrocarbures. La dégradation continue des comptes extérieurs avec, comme élément inquiétant, la fonte accélérée des réserves de change, a fait sortir la Banque d'Algérie de ses gonds, appelant à "un vaste programme de réformes structurelles pour libérer le fort potentiel de croissance de l'économie nationale et diversifier l'offre domestique et les exportations de biens et services". Les importations sont considérées souvent comme un point noir des politiques d'ajustement. "On continuera à avoir des déficits de la balance des paiements tant qu'on ne produit pas assez, on ne diversifie pas nos exportations, on ne réduit pas nos importations. Les réserves de change étaient investies dans la couverture des déficits de la balance des paiements, alors qu'il aurait été plus judicieux de canaliser cet argent vers le financement de l'investissement productif", regrette Badreddine Nouioua, ex-gouverneur de la Banque d'Algérie. Selon lui, il y a "une mauvaise utilisation des réserves de change. L'usage que l'on fait est problématique". Le défi d'une réforme globale et structurelle reste, certes, posé plus que jamais, mais un "recours réfléchi, mesuré et contrôlé à l'endettement extérieur auprès d'institutions multilatérales, à l'instar de la BAD (Banque africaine de développement) et la Banque islamique de développement, pour le financement des investissements soulagerait la balance des paiements", estime Badreddine Nouioua qui dit craindre, au rythme où vont les choses, le piège de subir, à terme, "les conditions désavantageuses du Fonds monétaire international". Sur la question la plus critique, celle des importations des biens et services, Brahim Guendouzi, analyste et consultant, pointe un défaut de maîtrise de la balance des opérations courantes qui grève sévèrement la capacité de l'Etat à assurer la viabilité de la balance des paiements. Du reste, l'Exécutif n'a plus de choix que d'envisager, sans délai, des réformes structurelles, certes lourdes, mais nécessaires pour limiter l'érosion des réserves de change, souligne Brahim Guendouzi qui estime, sur sa lancée, que l'actuel niveau des prix du Brent "ne fait qu'atténuer la fonte des réserves de change". L'alerte est ainsi donnée, à la fois par la Banque centrale et les économistes, sur le risque de voir les réserves de change — qui sont un important indicateur de solvabilité du pays — subir le même sort que le Fonds de régulation des recettes, dont les avoirs étaient investis dans la couverture du déficit budgétaire. Le gouvernement est sérieusement mis en demeure. Ali Titouche