La qualité des portefeuilles des banques est appelée à se détériorer compte tenu des encours importants qu'elles détiennent sur les entreprises dont les patrons font l'objet de poursuites judiciaires. Lors d'un discours prononcé à l'ouverture de la rencontre gouvernement-walis, tenue la semaine dernière à Alger, Abdelmadjid Tebboune a évoqué les créances bancaires de certains investisseurs, ayant dépassé 1000 milliards de dinars en janvier 2020. "En janvier dernier, certains investisseurs devaient un montant de 1216 milliards de dinars aux banques", a-t-il indiqué sans souffler mot sur la nature de ces créances, encore moins sur les investisseurs n'ayant pas encore honoré leurs engagements vis-à-vis des banques. "Le passé récent tragique a provoqué une hémorragie des fonds de l'Etat, en devises et en dinars, c'est pourquoi les citoyens s'interrogent aujourd'hui sur les méthodes à même de garantir les financements", a-t-il ajouté, précisant que "le financement existe mais les remboursements ne sont pas effectués" . Tebboune n'a pas précisé s'il s'agissait de créances non performantes, du montant de l'ensemble des crédits à moyen et long termes octroyés aux investisseurs ou bien de dettes compromises, dont les contractants ont profité de leur proximité avec les cercles de décision pour s'en servir sans la moindre retenue. Abdelmadjid Tebboune cherche-t-il à faire le buzz en annonçant le montant des crédits que devaient "certains investisseurs" aux banques, n'hésitant pas, encore une fois, à faire le procès de la gestion des deniers publics par les précédents gouvernements pour donner l'illusion de changement ? En tout cas, dans les 1216 milliards que devaient "certains investisseurs" aux banques, l'on pouvait mettre tout et n'importe quoi, dont les crédits octroyés au secteur public comme au secteur privé, des créances non performantes, des impayés bancaires en litige, des dettes compromises…etc. Selon les chiffres communiqués par la Banque centrale et le Fonds monétaire international (FMI), l'ensemble des crédits à l'économie ont représenté 10 102 milliards de dinars à fin 2018, correspondant à 49,62% du PIB, répartis à raison de 50,4% pour le secteur public, 48,6% pour le secteur privé et 7,8% aux ménages. Les crédits de long terme représentaient 56,21% de l'ensemble des financements, alors que les crédits de moyen terme sont de 16,67%. Des 10 102 milliards de dinars injectés dans l'économie sous forme de crédits bancaires, la part attribuée au privé serait donc d'environ 5000 milliards de dinars et le montant dont parlait Tebboune correspondrait aux créances en souffrance qui étaient d'environ 13% de l'ensemble des crédits distribués. Il est vrai que les créances en souffrance sont en hausse par rapport à l'ensemble des créances, mais le taux est loin d'expliquer à lui seul la réaction hystérique de Tebboune. Ce dernier sait que le pire serait à venir car la qualité des portefeuilles des banques est appelée à se détériorer dans les mois à venir compte tenu des encours importants qu'elles détiennent sur les entreprises dont les patrons font l'objet de poursuites judiciaires. Abdelmadjid Tebboune n'est pas allé au bout de son raisonnement, se contentant de dire que "le passé récent tragique a provoqué une hémorragie des fonds de l'Etat, en devises et en dinars". Dans un contexte de forte baisse de l'activité économique et d'une conjoncture politique ne favorisant pas l'investissement, la qualité des portefeuilles des banques connaîtrait une dégradation presque inévitable, la rentabilité en prendra un coup et les arriérés s'accumuleront avec, comme perspective, l'aggravation du risque crédit. La hausse des créances en souffrance, la baisse des liquidités bancaires et les risques que fait peser le retour à la planche à billets réduiront la marge de manœuvre du gouvernement. Il y a quelques mois, des établissements bancaires ont été sauvés d'une faillite certaine grâce à l'argent frais que mettait la Banque d'Algérie à la disposition du Trésor public. La planche à billets a contribué, certes, à renflouer plusieurs banques publiques, mais elle n'a fait qu'aggraver les risques sur les perspectives économiques et la stabilité financière. Un retour à la case départ n'est pas à exclure.