La facilité avec laquelle s'opèrent ces détournements laisse perplexe plus d'un. Comment peut-on ne pas s'apercevoir de ces énormes trous financiers ? Où est le contrôle interne des banques ? Que font alors les commissaires aux comptes censés passer au peigne fin toute la comptabilité, s'interrogent certains experts financiers ? Ces détournements, dont le montant se chiffre en milliards de dinars, viennent ainsi s'ajouter aux autres milliards de crédits impayés et de créances douteuses que nos banques détiennent sur des entreprises publiques et privées. Des créances douteuses dont le montant est estimé, d'après les chiffres avancés par le ministère des Finances, à 330 milliards de dollars, soit 5 milliards de dollars. Les opérations d'assainissement des portefeuilles commerciaux des banques opérées à maintes fois par les pouvoirs publics ont été, de l'avis d'économistes, beaucoup plus des opérations conjoncturelles que de véritables actions de redressement des modes de gestion bancaire. Un avis que partage d'ailleurs l'ex- ministre des Finances Abdelatif Benachenhou pour qui «le vrai problème n'est pas tant d'opérer l'assainissement des banques, mais de parvenir à arrêter l'accumulation de nouveaux stocks de créances douteuses». Rude tâche pour les instances en charge de la supervision du secteur de la finance, a fortiori quand on sait à quel point les interférences politico-bureaucratiques influent sur les décisions d'octroi de crédits bancaires. lourde ardoise La lourde ardoise des créances irrécouvrables détenues sur le secteur privé permet à elle seule de rendre compte de l'incohérence des logiques de recapitalisation des banques, tant celles-ci ne favorisent guère l'instauration des règles de bonne gouvernance dans le domaine de la gestion bancaire. Comme pour appeler à une nécessaire mise en conformité des banques quant au respect des règles prudentielles en matière d'allocation des ressources, des mises en garde ont été adressées aux banques publiques les avertissant que l'Etat n'est guère disposé à apurer le passif des créances en souffrance que les établissements bancaires détiennent sur les entreprises publiques. ” Jamais l'Etat n'assainira les créances douteuses du secteur privé”, a martelé l'ex-ministre des Finances lors d'un point de presse. Se chiffrant à des milliards de dinars, les ardoises de créances en souffrance détenues par les banques étatiques sur les privés sont, d'après des sources bancaires, ” presque définitivement irrécouvrables “. A défaut d'une gestion saine et efficiente des ressources financières dont disposent les banques, le fléau des mauvaises dettes menace ainsi durablement la crédibilité du système financier domestique, à mesure que se régénère le stock des créances douteuses.