“Avocate irrespectueuse”, Gisèle Halimi se met debout face à la torture et les dépassements du régime colonial et condamne ses pratiques inhumaines. Mondialement connue pour être une avocate au comportement lucide qui, au fait, déçoit toute l'aristocratie et l'ordre établi, elle qui “se venge” des affabulations du pouvoir dans lequel les femmes soumises devaient se libérer des préjugés du mâle, et les hommes de la domination coloniale, Gisèle Halimi démonte dans Avocate irrespectueuse le mode de vie tel qu'elle l'a vécu en Afrique du Nord où elle apprend à s'émanciper. Des inégalités sociales et culturelles, des dépassements politiques du système colonial à la violence faite par les hommes. C'est pour ces “raisons” qu'elle se met du côté des opprimés. À 10 ans elle fera la grève de la faim en guise de protestation contre les tâches ménagères imposées aux femmes, presque naturellement. C'est ainsi que se manifeste en elle et triomphe une intention de “défense” et “d'avocat”, quand l'Algérie lui inspire “une passion innée” et même “violente” pour la justice, lorsque l'injustice et l'arbitraire étaient commis “au nom du peuple français”. Mais quelques années plus tard, viendra enfin l'aveu d'un général Aussaresses, témoin direct d'une institution qui a failli… Gisèle Halimi, toujours en “avocate irrespectueuse” (avec son confrère Michel Zaoui) demandera la révision de cette période aux autorités françaises, le 8 juin 2001. “Avocate irrespectueuse”, elle se met debout face à la torture et les dépassements du régime colonial et condamne ses pratiques inhumaines. Elle sera parmi les premiers intellectuels à signer l'appel “Pour la condamnation de la torture durant la guerre d'Algérie”. Elle tiendra sa promesse de défendre les causes justes. Elle écrit : “Je me l'étais pourtant promis, répété, juré. Cette histoire je l'écrirai. Il le fallait. Je l'écrirai un jour pour tenter de restituer l'honneur, mais aussi parce que le non-dit truque le réel. Maquille le naufrage de mes certitudes de jeunesse.” (p.245). La vie de Gisèle Halimi fut ainsi un long combat semé d'embûches qu'il fallait transcender audacieusement de plaidoyer en plaidoyer : de la défense acharnée des “fellagas” à la cause féminine (cause illustrée par l'affaire Maria, une femme battue). “Depuis toujours, les hommes frappent et les femmes endurent”, entend-elle un jour. Une pratique devenue “naturelle” même pour les parents de la victime, en l'occurrence Maria. Eh ! oui, tous les bons maris excités par une boisson, une corvée de trop à l'usine, une engueulade avec le chef… doivent bel et bien déverser le tout sur leurs femmes. C'est alors que l'avocate fera tout pour réconcilier afin de sauvegarder les enfants et leur épargner les conséquences de la bêtise des grands, mais en vain, car la situation de la femme est au comble du désespoir. La preuve ? Gisèle fut élue vice-présidente de l'Union des jeunes avocats (UJA, Tunisie). Elle suscite l'étonnement : “Une femme aux commandes, ça s'est jamais vu…” À ce propos, elle répond net : “On n'a jamais vu…, on verra !” Tout compte fait, dans ce monde de brutes, la raison n'a pas toujours eu le dessus sur l'injuste et l'arbitraire, et Maria fut assassinée par son époux par excès de tragi-jalousie, en plein palais de justice. L'avocate commençait alors un dur apprentissage du métier, contre vents et marées, dans un pays où la subversion, les tabous, la répression… faisaient la règle. Avocate irrespectueuse est un apprentissage de la liberté, à l'exemple de J.-P. Sartre ou de Tala avec son J'accuse, Gisèle a apporté une touche d'émancipation avec trois décennies de lutte pour la liberté et la tolérance. Une remise en cause des “lois injustes” et révolues auxquelles elle résistera irrespectueusement. C'est une forme de courage, de lutte et d'héroïsme dont le lecteur s'imprègne… Enfin, lisons-le plutôt… Limara B.