“Empêcher le pays de débattre de la plus grande catastrophe qu'il ait connue depuis l'indépendance relève au moins de l'irresponsabilité politique, au pire de l'intention criminelle. On n'a pas quand même le droit de nier la douleur d'un peuple”. Saïd Sadi est en colère. Hier, lors d'une rencontre de proximité à Larbaâ Nath Iraten, wilaya de Tizi Ouzou, une rencontre qui a drainé pas moins de quatre cents personnes, essentiellement des relais d'opinion, au centre culturel Hsen-Mazani, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) n'a pas mâché ses mots pour dire ce qu'il pense du référendum sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale. “Ce référendum ne vise pas la paix”, dira-t-il d'emblée avant de marteler : “C'est le premier référendum où ceux qui ne sont pas d'accord avec la démarche du pouvoir sont exclus et interdits de parole. Les contradicteurs du pouvoir n'ont pas droit de citer. Dans aucun pays au monde un tel problème n'a été réglé sans débat public et contradictoire”, fera remarquer le Dr Sadi qui n'a pas manqué de citer deux exemples concrets en la matière : l'Afrique du Sud et le Maroc. Au plan de la forme, le leader de l'opposition démocratique trouve le texte de la charte ridicule et incohérent. “La seule chose qui est claire dans le texte, c'est lorsque le Président se donne des pouvoirs supplémentaires”, commentera-t-il encore. Au sujet de la mansuétude du texte soumis à référendum à l'endroit des terroristes, M. Sadi réplique : ”Un crime n'est pas un problème de quantité, c'est la qualité de l'acte”. Autrement dit, le président du RCD ne s'explique pas le fait que seulement les auteurs de crimes collectifs qui ne sont pas concernés par l'amnistie, alors qu'un terroriste qui s'est rendu coupable de plusieurs assassinats individuels est éligible, lui, au pardon. Encore faudrait-il qu'il y ait demande de pardon. “C'est bien beau de demander à la France d'assumer son passé colonial et de demander pardon pour les crimes commis par l'empire colonial, mais encore faudrait-il ne pas obliger les Algériens d'oublier leur passé immédiat”, estimera Sadi, pour qui le référendum du 29 septembre constitue une opération de diversion politique destinée à camoufler la panne du pouvoir en matière de projet pour le pays. Autre sujet d'importance abordé par le Dr Sadi : les élections partielles en Kabylie. “Le DRS est en train de travailler à la démobilisation de l'électorat dans la région pour faire passer les listes indépendantes conçues par ses soins”, informe Saïd Sadi qui a demandé à son auditoire de ne pas sous-estimer ce scrutin. S'il y a une forte mobilisation à l'occasion des partielles, la stratégie de démolition et de destructuration politique de la région sera mise en échec, promet encore Sadi. Aujourd'hui, la Kabylie est attaquée dans sa mémoire militante et ses repères politiques. La mobilisation des citoyens est la meilleure manière, aux yeux du leader du RCD “de redonner les valeurs, réhabiliter les repères et les cadres politique que la Kabylie a produits pour la préserver de cette stratégie de démolition empreinte d'anti-kabylisme primaire”. Cette stratégie de destructuration de la région n'a épargné aucun segment de la société. Même l'administration est minée : le docteur Sadi citera “l'exemple du secteur de la culture à Tizi Ouzou, dont la gestion est confiée à quelqu'un qui a été exclu du RCD pour vol”. Sadi insiste sur l'importance des partielles, c'est pour cela qu'il a appelé à une forte mobilisation, notamment les femmes et les jeunes. “En récupérant les institutions locales, on peut donner à la Kabylie l'occasion de jouer son rôle historique de locomotive démocratique”, considére Saïd Sadi, qui conclut ainsi : “Si l'on se mobilise tous, on peut contenir cette agression et pouvoir rebondir par la suite. C'est l'unique moyen pour préserver la mémoire combattante de la Kabylie et garantir l'avenir démocratique de l'Algérie.” Yahia Arkat