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Du confinement et de ses conséquences
Contribution
Publié dans Liberté le 09 - 04 - 2020

J'ai décidé de me confiner en me disant que je vais me mettre à faire ce que je n'ai pas pu faire jusque-là : lire des livres en attente jusque-là, une pile de livres est en face de moi. Rédiger des articles, revoir des choses écrites et inachevées…Et nettoyer la maison à fond, pas de place pour le virus, il ne va quand même pas m'avoir cet ennemi invisible qui peut se loger partout sur nos mains évidemment, nos vêtements, nos chaussures, nos serviettes, des surfaces en bois, en métal, nos éviers, nos lavabos…l'impression qu'il peut être partout, qu'il est tout puissant. Au départ on est sonné, anesthésié, que faire ? Comment se protéger ?
L'Algérie a-t- elle les moyens de prendre en charge les personnes atteintes quand on sait que déjà en temps "normal" nos structures de santé peinent à faire face à l'afflux des patients, ce qui n'est pas très rassurant. Quand on sait aussi que le seul centre de dépistage est l'institut Pasteur, on flippe. Mais on apprend, au fil de l'actualité, que les pays développés sont aussi impuissants à faire face à l'ennemi invisible, à "ce petit machin" (Mustapha Dahleb) qui bouleverse le monde.
Ces riches pays manquent de tout, de bavettes, de solutions hydro-alcooliques, de médecins…qu'il y a des vols de masques, de la spéculation, qu'il y a une ruée sur les denrées alimentaires, qu'on peut même en venir aux mains pour des rouleaux de papier hygiénique. Dans ces pays on a promulgué le confinement de presque toute la population à quelque exception près mais certaines personnes ne respectent pas les règles et continuent à sortir, il a fallu recourir aux sanctions et parfois au couvrefeu pour obliger les gens au confinement.
Cela pour dire que si le virus nous concerne tous, il existe aussi chez les humains où qu'ils soient , avec les mêmes comportements, des invariants dirions nous et que le "monde civilisé", l'Occident partage avec le reste du monde les mêmes comportements : on n'a plus besoin de dire que les Algériens ne sont pas disciplinés, qu'ils n'obtempèrent pas, qu'ils sont violents…Le comportement des autres montrent que les Algériens sont comme les autres. C'est-à-dire des êtres humains, capables du pire et du meilleur.
Sens de citoyenneté
Ils ont montré dans le hirak leur sens élevé de la responsabilité, leur maturité, leur sens de la solidarité et leur créativité par le biais de leurs slogans, leurs chansons et même leurs écrits. Plusieurs ouvrages et articles ont été écrits sur le hirak. Là pour ce virus nous voyons des jeunes multiplier les initiatives: se proposer pour faire des courses aux plus âgés, aux plus vulnérables, désinfecter leur quartier, mener des campagnes de sensibilisation…Et tout cela de leur propre chef, une jeunesse admirable !
Pour ce qui est de ma petite personne : au départ on ne comprend pas ce qui arrive, ce qui nous arrive, l'impuissance, l'absence de sens, l'inquiétude paralysante qui touche jusque-là nos pensées : on ne sait pas quoi penser et petit à petit l'appareil psychique refonctionne. Le moment présent va chercher d'autres moments, pas tout à fait similaires, mais partageant quand même une similitude : la mort, la finitude de l'être humain, sa vulnérabilité…
Ce moment va s'accrocher et réactiver, par le biais des chaînes associatives, ce que nous avons vécu au cours de la décennie noire, le tremblement de terre de Boumerdes et beaucoup d'autres événements traumatiques que nous avions eu à vivre , même les événements singuliers, c'est-à-dire ceux qui ont marqué notre roman familial. Tout s'emmêle, le moins qu'on puisse dire c'est que la tête ne sait plus vers quel chaînon se tourner, car l'archaïque peut supplanter le raisonnement logique et raisonnable.
Au bout d'un moment, d'un certain temps on revient au corona, au décompte macabre…Et parfois pour se sauver du corona on a l'impression d'être dissocié : le monde environnant devient irréel, la réalité est ailleurs, elle est dans les actes que l'on peut accomplir, faire la vaisselle, faire la cuisine…
On adopte l'évitement, on n'a plus envie de passer devant la télévision qui égrène tout au long de la journée les actualités sur le corona, on ne veut plus en entendre parler : éviter d'en parler et empêcher les autres d'en parler, ceux avec lesquels on vit ou ceux qui nous appellent mais cela n'est guère une défense qui tient , elle se lézarde pour disparaître et nous ramener au décompte macabre.
Le confinement, une retraite du monde
Ceci pour dire que si le corona, ce "machin-là", a des conséquences létales, qu'il entraîne des douleurs physiques terribles : ne plus pouvoir respirer, manquer de souffle et l'angoisse de la mort, il est des conséquences qui sont peu abordées et qui émergent lors du confinement mais pas seulement. Le confinement consiste en une sorte de retrait du monde, "pas de contact avec l'autre" répètent à l'unisson toutes les autorités de tous les pays et c'est là une contrainte avec laquelle nous n'avons pas l'habitude de faire.
Dès sa venue au monde, le petit de l'homme est plongé dans un univers humain et au cours de toute son existence il aura à faire avec l'autre, les autres. Et tous les jours ils voient les autres, la famille, les voisins et les autres dans la rue, dans le travail, dans les cafés, au marché, dans le voisinage et tout d'un coup on nous demande de rester confiné, on déclare que l'autre peut être porteur de mort même l'être le plus proche de nous, le plus aimé peut véhiculer la mort.
Or la mort est de l'ordre de l'irreprésentable nous dit Freud, mais là elle cogne à nos portes. Mais même en dehors du confinement le fait d'être en butte à "ce machin-là", en étant dans la rue au marché… car jusqu'à présent et hormis la Chine aucun pays n'est parvenu à faire observer à ses concitoyens un strict confinement, il a fallu sévir, multiplier les sanctions pour que les gens ou certains d'entre eux se résignent au confinement. L'anxiété est là, face à l'inquiétante étrangeté, à l'impuissance, à l'incertitude, au non sens…On cherche : les USA accusent la Chine celle-ci à son tour accuse les USA et derrière tout cela des enjeux géostratégiques.
À un autre niveau on parle de fin du monde, de punition… Des symptômes peuvent apparaître, des symptômes anxieux mais aussi de la dépression, cela nous engage sur la piste du syndrome post- traumatique, de l'irritabilité, de la boulimie, des conduites obsessionnelles, des cauchemars… Evidemment, tout le monde n'est pas à même de développer des stratégies de coping pour faire face au confinement.
Toutes les études sur le trauma ont montré que certaines personnes étaient plus résilientes que d'autres : cela tient à la personnalité elle-même, à ses ressources psychiques, mais aussi au support social, au tuteur de résilience. D'où la nécessité de maintenir le lien social par le téléphone et par le biais des réseaux sociaux. J'évoque ici quelques femmes que je connais, des amies, on s'appelle souvent pour dire qu'on est là, qu'on pense les unes aux autres.
À l'échelle du pays nos hommes sont toujours dehors, il est vrai que l'espace public aujourd'hui est également investi par les femmes. Mais il n'existe pas de groupe de femmes dans la rue comme c'est le cas pour les hommes : jeunes et moins jeunes, avec leur café et aujourd'hui le gobelet en carton en groupe dans un café ou carrément dans un coin de rue on est là et tout se passe comme si le dehors et le dedans étaient toujours fortement ségrégués.
Je ne vais pas faire un laïus sur la présence des hommes et des femmes dans l'espace public cela ne me semble pas intéressant ici. Mais, l'observation de tous les jours montre qu'effectivement les femmes sont dans la rue mais ne "l'habitent pas", en revanche pour les hommes c'est un haut lieu de sociabilité. Ce qui n'est pas le cas des femmes.
Ensuite le soir, à la tombée de la nuit il n'est pas rare de croiser des groupes de jeunes. Il s'agit comme le dit Françoise Héritier (1996) de l'entre soi de genre qui n'est pas propre à l'Algérie mais qui est peut-être plus courant chez nous que dans d'autres contrées. Les enfants aussi, c'est vrai de moins en moins, mais il n'en demeure pas moins que nous les rencontrons souvent dans les quartiers jouant au ballon, au vélo…Ce sont le plus souvent des garçons même si on peut rencontrer quelques fillettes.
Les adolescentes contrairement aux adolescents, sont très peu présentes dans la rue, c'est l'âge où il est recommandé de rester à la maison, cela ne veut pas dire qu'elles ne se voient pas entre copines, qu'il n'y a pas de lieu de rencontre mais n'oublions pas qu'aujourd'hui on n'est jamais seul, les réseaux sociaux sont là pour combler le vide et éloigner la solitude. Ceci pour dire qu'il est difficile que des hommes socialisés dans le groupe des pairs, dans "el houma", dans le café du quartier, puissent se résigner à se calfeutrer à la maison.
C'est difficile. Être face à face pour un couple toute la journée, plusieurs journées, voire des semaines, peut engendrer des conflits difficiles à gérer : on se découvre mais plus que cela, la situation de confinement engendre irritabilité, colère, mauvaise humeur… qui peuvent s'exprimer par des comportements agressifs et peu tolérants de la part des conjoints, comportements qui peuvent aussi être dirigés contre les enfants.
Ces derniers peuvent ne pas supporter d'être enfermés toute la journée : ils s'agitent, ils se disputent, ils n'écoutent plus les adultes…Mais ils ont besoin de parents attentifs, présents à leurs côtés, qui leur expliquent. Ceci pour dire que si le confinement est la seule solution qu'il est obligatoire pour nous toutes, il n'en demeure pas moins qu'il peut engendrer de la détresse psychique et entacher la qualité de vie des individus.
Or, les autorités politiques de tous les pays, celles qui nous dictent nos conduites, qui nous imposent des restrictions…ne pensent qu'à la contamination, à la maladie du corps en omettant de se pencher sur la dimension psychique de cette situation : le corona fait résonner l'angoisse de la mort, le confinement peut engendrer des somatisations mais aussi des troubles psychiques, des décompensations… et les politiques qui ont confisqué les libertés individuelles ne doivent pas omettre la santé mentale. Des numéros verts doivent être développés pour permettre l'écoute, l'orientation de ceux qui sont en détresse psychique.
Pour terminer, je dirais que pour comprendre ce qui arrive à l'humanité, il faut mobiliser l'anthropologie qui permet de comprendre les comportements des êtres humains, de tous les humains. Ce sera la fin de l'ethnocentrisme et de l'essentialisme. Le corona a révélé que le modèle socio-économique néolibéral imposé par l'occident comme seule alternative pour l'humanité est un modèle inhumain. Son seul crédo est la rentabilité. L'hôpital devant aussi être rentable. La phase postcorona devrait nous emmener à réfléchir à d'autres alternatives, à d'autres modalités du vivre ensemble.

Par : Chérifa Bouatta (*)
(*) Docteure d'état en psychologie


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