En lui refusant ses demandes de congé spécial, la direction de l'hôpital s'est rendu coupable de négligence qui a entraîné la mort et de violation de l'instruction portant mise en congé exceptionnel des femmes enceintes. Sa mort tragique a choqué l'opinion publique au plus haut point. Nombreux les Algériens sous le choc en découvrant le visage de Wafa Boudissa, une femme médecin, décédée par la faute de sa hiérarchie qui lui a refusé des congés alors qu'elle était enceinte de huit mois. Comment ce drame qui pouvait être inévitable a pu se produire dans un contexte où la prévention était pourtant de rigueur ? En lui refusant ses demandes de congé spécial, la direction de l'établissement public hospitalier s'est rendu coupable à la foi de négligence qui a entraîné la mort, mais aussi de violation de l'instruction portant mise en congé exceptionnel des femmes enceintes. En première ligne pour lutter le virus de corona, Wafa Boudissa, médecin généraliste à l'hôpital de Ras El Oued (Bour Bou-Arréridj) a contracté le virus dans l'exercice de son métier. Consciente des risques qu'elle encourt, elle a sollicité à trois reprises une mise en congé. Ses demandes ont été refusées par son administration. Wafa Boudissa n'a pas pu vaincre le virus. Après une semaine d'hospitalisation, elle a rendu l'âme avant-hier à l'établissemnt hospitalier de Ain El-Kebira (Sétif) dont elle est originaire. Sa disparition a fait réagir les autorités du pays. Le chef de l'état Abdelmadjid Tebboune a dépêché le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid pour présenter ses condoléances à la famille de la défunte. Le ministre de la Santé a déclaré qu'il est "inadmissible qu'une femme médecin enceinte de huit mois continue à exercer au niveau d'un service aussi sensible que les urgences". Il a par ailleurs souligné que des mesures seront prises à l'issue de l'enquête ouverte hier sur son ordre, par l'inspecteur général de son département ministériel au niveau de l'établissement public hospitalier de Ras El-Oued dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj où exerçait la défunte. Selon le mari de la défunte, Chawki Smara, son épouse était très consciente du danger et des risques qu'elle encourait mais elle ne pouvait rien faire face à l'entêtement de l'administration de la structure hospitalière où elle exerçait. Selon lui, sa défunte épouse a sollicité son supérieur à plusieurs reprises pour prendre un congé, mais en vain. "Le directeur a refusé de faciliter la tâche à ma femme. Devant l'absence de transport de et vers Sétif par rapport aux mesures prises par le gouvernement ainsi que la situation de santé de mon épouse à cause de sa grossesse, j'ai opté pour la location d'un appartement à Ras El-Oued où j'ai emménagé le premier jour du Ramadhan, cependant la mort l'a emportée avec mon enfant que nous avons tant attendu", nous a-t-il confié. En effet, la défunte, qui a rendu l'âme après une semaine d'hospitalisation à l'unité Covid-19 de l'hôpital Abdallah-Cheghoub d'Aïn El-Kébira, n'a pas bénéficié des mesures de prévention et de protection en milieu de travail face à l'épidémie de coronavirus prévues pourtant par la loi et qui ont fait l'objet de deux instructions émanant du ministère de la Santé : l'instruction portant n°18 du 26 avril 2020 complétant la note n°13 du 31 mars 2020. Il a été précisé que les personnels de santé présentant les comorbidités citées dans l'instruction doivent être dispensées des services dédiés à l'infection Covid-19. Pour avoir l'autre son de cloche, nous avons tenté à plusieurs reprises de contacter le directeur de l'hôpital de Ras El-Oued mais en vain. Il est à noter que la défunte n'est pas la seule à avoir vécu cette situation ; des dizaines de médecins et paramédicaux à travers les quatre coins du pays, présentant des critères de vulnérabilité dont les femmes enceintes n'ont pas bénéficié desdites mesures. De son côté, le président du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique, Lyès Merabet a indiqué que le SNPSSP a présenté le 26 mars dernier des propositions au ministère de la Santé afin de faire bénéficier les femmes soignantes et aides-soignantes enceintes d'un congé exceptionnel Covid-19. "Un mois après que notre proposition fut remise au ministère, nous avons été destinataires de l'instruction n°18 du 26 avril, instruction qui a fait fi de nos doléances", a-t-il indiqué. Le Dr Lyès Merabet a aussi souligné qu'il déplore le fait que son syndicat ne soit pas représenté au niveau de l'hôpital de Ras El-Oued afin de pouvoir consulter le dossier de la défunte. Il a aussi indiqué par ailleurs que la direction de l'hôpital avait toute latitude pour étudier le cas de la consœur afin de la libérer durant la période qui restait de sa grossesse. F. SENOUSSAOUI