Egalement accusé dans l'affaire de l'enregistrement téléphonique, le manager Nassim Saâdaoui est plutôt resté discret au milieu de la tourmente. Portrait. Depuis la révélation dans la presse du scandale de l'enregistrement téléphonique, les yeux se sont braqués sur le directeur général de l'Entente de Sétif, Fahd Helfaïa, principal accusé dans cette affaire présumée de marchandage de matches. L'autre partie également accusée, à savoir son interlocuteur le manager Nassim Saâdaoui lors de la fameuse communication téléphonique, est plutôt restée discrète au milieu de la tourmente. Depuis le début de cette affaire, contrairement à Helfaïa, Saâdaoui n'a fait aucune déclaration à la presse. Il a refusé toutes les demandes d'interview. Bien que son nom ait été cité par la presse, et associé à la personne du président de la FAF, avec lequel il a collaboré durant le règne de Kheïreddine Zetchi à la tête du Paradou AC, Saâdaoui reste un personnage énigmatique qui n'affectionne pas particulièrement les feux de la rampe. Son audition, prévue aujourd'hui, par les membres de la commission de discipline de la LFP, constituera, à cet effet, "sa première sortie officielle". Qui est donc Nassim Saâdaoui ? Que lui reproche-t-on donc exactement dans le cadre de l'actuelle procédure disciplinaire ? Fils d'un ancien entraîneur, reconverti dans la politique, Nassim Saâdaoui a fait le tour des petites équipes de football. De Ben Aknoun à Dar El-Beïda, en passant par Alger-Centre, il a traîné ses guiboles un peu partout dans la capitale sans parvenir à se frayer un chemin vers l'élite. Sa tentative de signer au sein du Paradou AC, au début des années 2000 fut du reste un fiasco. Il est remballé pour insuffisance technique. Une fois les crampons décrochés, Saâdaoui tente sa chance dans le monde des intermédiaires de football. C'est là qu'il se lie d'amitié avec l'ancien président du PAC qui lui confie la gestion de la carrière de ses joueurs. Une proximité encombrante avec Zetchi Le succès et la remontée fulgurante du PAC aidant, l'homme parvient à sortir de l'ombre et à se faire une petite notoriété. Grâce à sa proximité avec Zetchi, il devient le négociateur exclusif des joueurs du PAC. Le joueur Mansouri, actuellement au MCO, pur produit du PAC, a fait une fois cet aveu révélateur : "J'avais un manager, mais le PAC m'a obligé à passer par Saâdaoui pour valider mon transfert et à quitter le club de Paradou." L'ancien entraîneur du PAC, Kamel Bouhellal, nous a récemment confié qu'il avait été menacé en 2016, au moment de sa signature au MCEE, de lui faire capoter son engagement s'il n'optait pas pour Saâdaoui comme manager. "J'ai bien sûr refusé le chantage de l'entourage de Saâdaoui et j'ai gardé mon manager ; ils n'allaient tout de même pas décider pour moi !" dit-il. À Ben Aknoun, il rachète avec son frère un salon de thé où fleure bon la chicha. Vite, ce salon devient l'endroit prisé des joueurs de football et des présidents de club. C'est là que le cliché entre le président de la LFP, Abdelkrim Medouar, et Serrar avait été pris en 2018. De nombreux transferts de joueurs portent sa griffe. Il en tire de juteuses commissions à coup de millions de dinars. Récemment, Saâdaoui a été cité dans un autre scandale de transfert de joueurs dont la victime n'est autre que l'ancien défenseur de l'ASO Chlef, M'hamed Merouani. Transféré en janvier 2019 au MCA, Merouani atteste qu'il n'a mandaté aucun manager pour négocier à sa place le transfert, mise à part la direction de l'ASO sachant qu'il était encore lié par contrat au club chélifien. "Ce mec, je ne le connais même pas. Je ne saurais même pas le reconnaître s'il était là devant moi", confie-t-il à ses proches. Or, dans le contrat liant Merouani au MCA, dont Liberté détient une copie, l'on retrouve curieusement le nom de Nassim Saâdaoui comme manager de Merouani. Il a, du reste, empoché officiellement une commission évaluée à 100 millions de centimes de la part du MCA. Comment se fait-il donc que le nom de Saâdaoui se retrouve dans le contrat de Merouani ? L'ancien président du MCA, Kamel Kaci-Saïd, l'a-t-il inséré sans le consentement de sa nouvelle recrue pour, ensuite, lui attribuer une commission qu'il ne mérite pas ? Se sont-ils partagé le pactole ? Sonatrach, qui a ordonné un audit sur la gestion antérieure du MCA, gagnerait à fouiner d'avantage dans ce dossier d'autant plus que le nom de Saâdaoui apparaît également dans le contrat d'une autre recrue du MCA, Islam Arous en l'occurrence. Selon nos informations, Saâdoaui aurait tiré de gros dividendes de nombreux transferts, ces dernières années, grâce à des complicités et des facilités obtenues auprès de dirigeants influents dans le football national. Accusé d'activer en tant que manager sans avoir un agrément de la part de la FAF, comme le stipule la règlementation en vigueur, la Fédération a été obligée de préciser récemment, dans un communiqué, que Saâdaoui a été "porté officiellement sur la liste des intermédiaires publiée au mois de décembre 2019 sous le numéro 126". Pourquoi une telle précision ? L'affaire Merouani Est-ce pour couper court aux arrière-pensées véhiculées par ceux qui mettent en avant la proximité de Zetchi avec Saâdaoui ? Interrogé au sujet de son prétendu lien avec le président de la FAF, Kheïreddine Zetchi, le chargé de la communication de la FAF, Aboud Salah-Bey, a expliqué que "Zetchi n'est pas responsable des comportements de Nassim Saâdaoui". "Même si l'on suppose qu'ils sont proches, Zetchi ne peut répondre des actes d'une autre personne. Je pense que certaines parties veulent entraîner le président de la FAF dans une affaire qui ne le concerne pas", martèle-t-il. Dans l'affaire de l'enregistrement téléphonique, Saâdaoui est soupçonné d'avoir joué les intermédiaires dans une affaire de marchandage de matches. En attendant les conclusions de l'enquête, l'enregistrement téléphonique montre bien que Saâdaoui sonde Fahd Halfaïa sur la possibilité d'arranger certains matches qui impliquent plusieurs équipes de façon à aboutir à la fin de saison à la consécration de l'ESS au détriment du CRB, notamment. L'on ne sait pas si le complot s'est arrêté au stade des intentions, mais il y a bien là matière à investiguer. C'est ce que feront la justice et les instances du football. En revanche, il apparaît clairement que Saâdaoui n'est pas l'auteur de la fuite de l'enregistrement audio. Il se ferait dans ce cas harakiri. Mais c'est lui-même qui a transmis l'enregistrement en question à un autre président de club, sans doute impliqué dans le marchandage qui a fini par le balancer sur la Toile. Un règlement de compte sans doute, qui pourrait aboutir à un gros scandale du football algérien. SAMIR LAMARI