Suite à la levée progressive du confinement dans certains pays et à la reprise graduelle des activités de transport aérien, notamment dans le ciel européen, ainsi que des déplacements en voiture, les premiers signes d'une relative stabilisation du marché pétrolier apparaissent et une reprise lente des cours semble être le scénario le plus plausible. Plus de dix-sept semaines après le début de la crise sanitaire, le prix du pétrole brut a perdu "la moitié de sa valeur et semble suivre la même trajectoire que celle observée lors de la crise économique de 2008, celle d'une lente remontée", peut-on lire dans un récent rapport de l'IFP Energies nouvelles (IFPEN), anciennement Institut français du pétrole (IFP). L'IFPEN y décrit à grands traits la physionomie du marché au cours de ces dernières semaines, mettant en relief le fait que la hausse des prix du pétrole brut "s'est accélérée sur la fin de la semaine dernière avec la publication du rapport de l'AIE", un document qui faisait état de "prévisions un peu moins pessimistes" concernant la baisse de la demande en 2020 et "de premiers signes de rééquilibrage" du marché pétrolier. L'une des raisons de cet optimisme est l'évolution "plus rapide des mesures de déconfinement" dans plusieurs pays consommateurs de pétrole et "l'augmentation des déplacements en voiture dans des pays comme les Etats-Unis, l'Allemagne ou encore la France". Les analystes de l'IFPEN estiment que cette augmentation plus rapide que prévue des déplacements en voiture s'explique par "la préférence" des usagers pour les transports individuels au détriment des transports publics, jugés "moins sûrs" face à la pandémie de coronavirus. Autre point positif plaidant en faveur d'une reprise, fût-elle lente, des prix de l'or noir : le marché réagit "positivement" au programme de réduction de la production de pétrole de l'Opep+. L'Arabie saoudite et la Russie semblent désormais déterminées à ce que l'accord de baisse de la production soit mis en œuvre comme il se doit. Durant les mois de mai et juin 2020, la production pétrolière des 23 pays membres de l'Opep+ devait être, dans le cadre de l'accord, réduite de 9,7 millions de barils par jour. Ensuite, à partir du 1er juillet 2020 et jusqu'à la fin de l'année, la réduction de production serait de 7,7 millions de barils par jour, soit moins qu'en mai et juin. Puis, à compter du 1er janvier 2021 et jusqu'au 30 avril 2022, la réduction de la production de pétrole de l'Opep+ serait de 5,8 millions de barils par jour. Il s'agit d'un accord étalé sur deux ans. L'Arabie saoudite et la Russie devraient supporter les plus fortes réductions de production, 2,5 millions de barils par jour en moins sur mai et juin 2020 pour chacun de ces pays, soit plus de la moitié de l'effort de réduction global. Si l'accord est bien respecté, la production mondiale serait réduite de 10% par rapport à 2019. L'IFPEN souligne dans son rapport que le "revirement stratégique" de l'Arabie saoudite, qui après avoir initié une guerre des prix en début d'année fait tout son possible pour contribuer au redressement des cours du brut, en insistant sur le respect de l'accord, s'explique à la lumière des "difficultés économiques" auxquelles le pays est confronté. Face à la baisse des recettes pétrolières, le royaume a mis en œuvre un "plan d'austérité sans précédent (…) triplant la TVA à 15%, interrompant les prestations versées aux ménages et permettant aux entreprises de licencier des travailleurs et de réduire les salaires de 40%", rappelle le rapport. Toutefois, rien n'indique que cette tendance à la hausse des prix du brut pourra se maintenir. Le marché pétrolier étant très sensible aux ralentissements de l'économie mondiale, dont la croissance est nulle voire négative, les effets négatifs y persistent longtemps quand ils se produisent. Les experts de l'institut français relèvent que si le marché "se rééquilibre, la situation des stocks de pétrole risque de peser longtemps" sur les prix du brut, citant quelques-uns des chiffres mentionnés dans un des rapports de l'AIE. Selon l'agence, les stocks de pétrole (pétrole brut + produits pétroliers) des pays de l'OCDE s'élevaient à "4,6 milliards de barils à la fin du mois d'avril, en comptabilisant les stocks commerciaux et gouvernementaux". La capacité totale de stockage à terre estimée par l'agence dans 78 pays est de "6,7 milliards de barils". En considérant "un volume utile de stockage de l'ordre de 5,7 milliards de barils, les stocks sont donc actuellement remplis à 80%". Ainsi, les pays consommateurs ont remplis leurs réserves de stockage jusqu'à les faire déborder, ou presque. Cela constitue un obstacle majeur à la reprise de la demande mondiale de pétrole, et partant, des prix. De fait, au-dessus des pays producteurs, le ciel est encore sombre !