Afin de sauver ce qui peut l'être, les autorités tentent de mettre en place un dispositif médiatique permettant au débat national "inclusif, large et pluriel" promis autour du projet de révision de la Constitution, d'avoir lieu. Cela peut se décliner à bien des égards comme un aveu implicite : la démarche adoptée par les autorités pour l'enrichissement de la mouture de la révision constitutionnelle distribuée en mai dernier aux partis politiques, aux syndicats, aux acteurs de la société civile et à des personnalités ne semble pas avoir atteint l'objectif escompté, sinon dans les termes souhaités. Un large débat ouvert à toutes les sensibilités politiques et idéologiques et un minimum de consensus devaient suivre la large diffusion de la mouture et sa vulgarisation. C'est du moins ce qui est permis de conclure de la réunion de travail qui a regroupé dimanche le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Amar Belhimer, le professeur Ahmed Laraba et Walid Laggoune, respectivement président et rapporteur général du comité d'experts chargé par le président Abdelmadjid Tebboune, de formuler des propositions sur la révision de la Constitution et le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav), Mohamed Louber. "La réunion a été propice à un échange de vues autour des voies et moyens requis pour un débat national inclusif, large et pluriel, ouvert à toutes les composantes de la société civile et du monde politique, autour du projet de révision de la Constitution", souligne le ministère de la Communication. Il s'agit donc, a priori, d'explorer tous les moyens, dont notamment l'ouverture des télévisions à l'opposition, exclue jusque-là, pour engager un véritable débat autour de la mouture qui définit les droits et les libertés des citoyens ainsi que l'organisation et la séparation des pouvoirs. En insistant sur le caractère "inclusif", "large et pluriel" qui doit présider au débat autour de la mouture, on semble se rendre à l'évidence, en haut lieu, que le procédé privilégié, à savoir recueillir simplement les propositions des acteurs intéressés et donner accessoirement la parole dans les médias exclusivement à ceux qui s'inscrivent dans la démarche, n'est pas approprié pour susciter une large adhésion et le consensus nécessaire pour un texte d'une telle importance. D'autant que la mouture est appelée à fonder, selon ses promoteurs, "l'Algérie nouvelle". Si la crise sanitaire et la contestation, dès sa formation, du comité d'experts par une partie de l'opposition, peuvent expliquer en partie la difficulté, voire l'absence de débat, il reste que la méthode choisie, perçue par certains comme unilatérale, a fini, au fil des semaines, par transformer le comité, chargé de recueillir les propositions, en une simple boîte aux lettres. Une démarche qui n'a recueilli que l'adhésion des partis traditionnels, y voyant sans doute une opportunité pour se replacer sur l'échiquier, quelques organisations satellites et les traditionnels gardiens de la morale, à l'instar du HCI ou encore des partis islamistes. En guise de "débat", on n'a eu droit qu'à l'étalage par bribes, via les médias, des propositions des uns et des autres. Et pour l'essentiel, elles portent sur des questions idéologiques, celles-là même qui nécessitent, dans une société encore fragilisée comme la nôtre, un large débat ouvert et serein, et sur la nature même du régime. Parallèlement, des émissions y sont consacrées, particulièrement dans les médias, où la parole n'est donnée qu'à des intervenants qui ne risquent pas de se hasarder à remettre en cause la démarche. Certes, on a relevé des "avancées", mais il y a aussi des "réserves" qui dissimulent de "profondes" divergences que seul un véritable débat est à même de transcender. Ce n'est sans doute pas sans raison que Mohamed Lagab, conseiller à la Présidence, est intervenu, il y a quelques jours, pour rappeler les "limites" fixées aux propositions. "Des modifications pourraient être prises en compte après les discussions au sujet de la mouture de la nouvelle Constitution, mais je puis vous affirmer, dès à présent, qu'il n'y aura que quelques légers changements et je confirme à l'adresse de l'opinion publique que la commission qui a rédigé l'avant-projet, prendra en considération toutes les propositions, à condition que celles-ci ne concernent pas l'identité et la nature du régime". Reste à savoir quelle forme peuvent prendre les "futures" discussions, l'ampleur des modifications qui seront apportées à la mouture et la nature du débat que suggère en filigrane le ministère de la communication. Plus fondamentalement, dans un contexte chargé d'incertitudes, à quels artifices recourra-t-on pour susciter une large adhésion lorsqu'on sait qu'une partie de l'opposition demeure attachée au processus constituant, cet "horizon indépassable", selon la formule de Laraba.