En vacances ou en déplacement pour affaires ou pour des soins ou même pour des études, des milliers d'Algériens sont toujours bloqués dans plusieurs pays, et ce, depuis trois mois sans aucune information sur un possible rapatriement. Leur patience a atteint ses limites compte tenu de la dégradation de leur quotidien loin des siens. Démunis financièrement,épuisés moralement,ils appellent le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, "à mettre un terme à leurs supplices". Djamel est l'un d'eux. Il se trouve en Turquie depuis 3 mois, pays où les Algériens ont le plus souffert de cette situation. "C'est un cauchemar qui n'en finit pas. Nous sommes à bout de patience. Je me retrouve avec ma femme et mes deux enfants en bas âge bloqués ici depuis 3 mois, et ce qui devait être un court séjour touristique s'est transformé en véritable exil", raconte-t-il dans des lives postés sur facebook. Comme lui, ils sont nombreux entre familles, couples ou célibataire, jeunes et moins jeunes, à avoir rejoint l'aéroport d'Istanbul le 11 et le 12 juin dernier avec l'espoir d'embarquer à bord des avions d'Air Algérie. En vain. Le rapatriement, qui a touché 600 personnes parmi les 1 200 qui s'y trouvaient, n'a concerné que ceux dont les noms ont paru sur une liste publiée la veille du départ par l'ambassade d'Algérie à Ankara. "Nous n'avons jamais compris sur quels critères ils se sont basés pour décider que l'un est prioritaire sur l'autre. On nous dit qu'ils ont procédé par ordre alphabétique alors qu'ils auraient dû commencer par les plus âgés, les familles, les malades et laisser les célibataires, surtout ceux qui sont en bonne santé, pour les vols suivants", ont-ils insisté. Les groupes d'aide qui se sont organisés, depuis plus de deux mois, pour assister les Algériens bloqués à Istanbul poursuivent leurs actions de solidarité, mais avec beaucoup de difficultés. "Il nous faut reconnaître que la situation devient de plus en plus difficile", nous disent Aziz B. M. et Riad Hasni de la radio Web W213, l'un des acteurs de ces actions de solidarité à Istanbul et ailleurs. Très au fait de l'évolution de la situation pour avoir mis sur pied une cellule de suivi, W213 est devenue la voix des Algériens bloqués à l'étranger. L'équipe récoltent et diffusent les témoignages en différé ou en direct et transmettent une réalité amère à travers d es cris de détresse qui font froid dans le dos. Les Algériens racontent une grande souffrance et des humiliations sans pareilles. Les plus fragiles d'entre eux sombrent dans la dépression avec des pensées très sombres frôlant le suicide. D'autres ont même été contraints à la mendicité et il y a ceux qui ont recourt à des moyens qui n'honorent aucunement le pays. L'aide des âmes charitables ne suffit plus surtout face à la démission quasi totale de nos représentations diplomatiques. Mohand Oussaïd Belaïd, ministre conseiller à la Communication, porte-parole officiel de la présidence de la République, a indiqué le 9 juin dernier que "l'Algérie avait rapatrié près de 13 000 ressortissants algériens bloqués à l'étranger depuis la fermeture de l'espace aérien à cause de la pandémie de Covid-19", mais il n'a pas soufflé mot sur le nombre d'Algériens qui demeurent bloqués, sans nouvelles et sans assistance. Ils seraient, selon des recoupements de plusieurs sources, dont notamment les témoignages des concernées eux-mêmes, pas moins de 4 400 personnes en France, 450 en Arabie saoudite, une cinquantaine en Italie, à peu près le même nombre en Espagne, plus de 600 en Turquie, 36 en Inde, 30 en Indonésie, sans compter d'autres en plus petit nombre au Brésil, aux USA, aux Maldives, etc. Ces derniers vivent, cependant, dans des conditions aussi dramatiques que les autres. "Nous nous retrouvons sans le sou et chassés de l'hôtel", confie une dizaine de personnes qui se trouvent en Indonésie tout comme les 36 personnes en Inde qui s'indignent. "L'avion d'Air Algérie a, certes, été affrété par l'Inde pour rapatrier ses ressortissants d'Algérie, mais il est reparti vide", ont-ils assuré, espérant que pour le second vol prévu hier, les autorités algériennes seront plus clémentes. C'est aussi l'espoir des étudiants en grand nombre qui se trouvent en Russie et dont le contrat avec les universités est arrivé à terme. Ils se retrouvent contraint à un "exil forcé" et qualifient leurs conditions de survie de "tragédie".