À l'heure actuelle, la chimie thérapeutique ne dispose d'aucun vaccin contre le coronavirus. Les scientifiques essayent de mettre au point une molécule efficace contre la Covid-19. Une épidémie de pneumonies d'allure virale d'étiologie inconnue a émergé dans la ville de Wuhan (province de Hubei, Chine) en décembre 2019. Le 9 janvier 2020, la découverte d'un nouveau coronavirus (d'abord appelé 2019-nCoV puis officiellement SARS-CoV-2, différent des virus SARS-CoV, responsable de l'épidémie de SRAS en 2003 et MERS-CoV, responsable d'une épidémie évoluant depuis 2012 au Moyen-Orient) a été annoncée officiellement par les autorités sanitaires chinoises et l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce nouveau virus est l'agent responsable de cette nouvelle maladie infectieuse respiratoire appelée Covid-19 (pour CoronaVIrusDisease). Près de 80 recherches sont en cours dans le monde pour élaborer un vaccin contre le SARS-CoV-2. Plusieurs ont commencé les essais cliniques sur l'homme, et pourraient aboutir d'ici à quelques mois. Mais les vaccins à venir seront-ils efficaces ? La question reste posée. La science ne dispose, à l'heure actuelle, d'aucun remède efficace contre le nouveau coronavirus. Dans un contexte de pandémie, tous les regards se tournent dès lors vers un possible vaccin. Sur le sujet, les articles se succèdent, suscitant tous l'espoir. Hier, le groupe chinois SinovacBiotech s'est dit prêt à produire 100 millions de doses par an de son "Coronavac", qui n'en est encore qu'au stade expérimental. À Berne, Martin Bachmann, responsable du département d'immunologie de l'université, a récemment annoncé qu'il pourrait aboutir à l'automne. Mais comment les laboratoires fabriquent-ils ce fameux vaccin ? Combien de vaccins sont en lice ? Le dernier décompte de l'Organisation mondiale de la santé date du 26 avril 2020. À cette date, 79 recherches étaient en cours pour un vaccin, dont sept étaient en phase clinique, c'est-à-dire qu'elles avaient commencé des essais sur l'homme, afin de vérifier en premier lieu l'innocuité du vaccin, c'est-à-dire déterminer s'il provoque des effets secondaires. Parmi ces projets se trouvent trois recherches en Chine : celle de Sinovac, celle de CanSinoBiological et celle de l'Institut des produits biologiques de Pékin, en association avec l'Institut de Wuhan. Un autre projet est porté par l'université d'Oxford, l'une des références dans la fabrication de vaccins au niveau mondial, et avec qui travaille notamment Martin Bachmann, à Berne. La firme américaine Inovio Pharmaceuticals en développe également un, ainsi que l'Institut national des maladies allergiques et infectieuses, situé aux Etats-Unis. Enfin, un dernier projet est mené par un consortium composé de la firme allemande BioNTech, de son partenaire chinois Fosun Pharma et de la multinationale américaine Pfizer. Qui sera sur le podium ? Il est trop tôt pour le savoir. Comment fabrique-t-on un vaccin ? Le premier vaccin a été inventé en 1796 par Edward Jenner. À cette époque où sévissait la variole, le médecin anglais avait remarqué que les fermiers étaient moins touchés par la maladie, et que leurs vaches présentaient des croûtes ressemblant aux lésions provoquées par la maladie chez les humains. "Il a fait un essai, en inoculant ces croûtes au fils de sa femme de ménage, raconte Alessandro Diana, médecin associé en maladies infectieuses dans le service de l'enfant et adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Cela a marché ! Il l'ignorait, mais la variole bovine, différente de la variole humaine, fait naître des anticorps chez l'homme. Ce sont des petits soldats qui neutralisent la maladie." C'est ainsi qu'est née la première vaccination, terme qui vient du mot latin vacca, soit "vache". Depuis cette date, le principe est resté le même. "C'est un peu plus facile de fabriquer des vaccins contre les virus que contre les parasites, qui se transforment tout le temps, précise Blaise Genton, responsable de la policlinique de médecine tropicale et des voyages à Unisanté et chef de projet à l'Institut tropical et de santé publique suisse à Bâle. Donc je pense qu'on peut trouver un vaccin contre le SARS-CoV-2. Il n'empêchera peut-être pas totalement la survenue de la maladie, mais il peut en diminuer les complications." Est-ce plus compliqué pour un coronavirus ? Il est vrai que pour les coronavirus humains précédents, comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ou le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV), aucun vaccin n'a été fabriqué. Mais l'ampleur de l'épidémie était moindre, et donc la recherche a été limitée. Il existe en revanche des vaccins contre des coronavirus vétérinaires. Selon les recherches déjà publiées, ce nouveau coronavirus provoque une réaction immunitaire dans l'organisme, et il n'est donc pas impossible de créer un vaccin. Il faut noter que la compétition est telle, et les enjeux sont si grands, que les résultats préliminaires de la plupart des études n'ont pas été publiés. Les informations qui filtrent sur les recherches viennent donc des laboratoires eux-mêmes, qui défendent leur propre technique. Il faudra attendre pour lire des résultats fiables sur le sujet. Quelles sont les méthodes utilisées par les scientifiques ? Depuis la fin du XVIIIe siècle, les techniques ont quelque peu évolué. On n'inocule plus la maladie elle-même, mais un organisme qui lui ressemble, afin de flouer le corps humain. "Celui-ci croit qu'il est en présence d'un terroriste, et lance donc toutes ses troupes, qui seront efficaces pour le protéger vraiment de la maladie", explique l'infectiologue Alessandro Diana en utilisant l'analogie de la guerre. Une fois cela dit, il existe plusieurs méthodes pour fabriquer ce jumeau inoffensif du virus. La première, choisie par deux des recherches menées en Chine, consiste à prendre une particule du virus et à l'inactiver, comme le vaccin contre la coqueluche, par exemple. La deuxième consiste à mettre une des protéines qui enveloppent le coronavirus, appelée protéine Spike, dans un autre virus, afin que celui-ci se réplique dans le corps humain, et accélère la fabrication d'anticorps. C'est la technique qui a fait ses preuves pour le vaccin Ebola et c'est aussi celle choisie par l'université d'Oxford et Martin Bachmann à Berne qui compte utiliser un vecteur viral venant des plantes. "La réponse immunitaire est généralement bonne avec ce type de vaccins, qui me paraît prometteur", relève Blaise Genton. La troisième méthode, utilisée par Inovio Pharmaceuticals, consiste à injecter dans le corps humain une molécule des protéines du gène (ADN) ou du messager du gène (RNA) du coronavirus. La particule sera sélectionnée précisément, afin de provoquer la meilleure réponse immunitaire possible. Problème : "Cette plateforme est récente et utilisée dans différentes recherches, mais elle n'a jamais produit de vaccin à ce stade", note-t-il. Comment sait-on si un vaccin est efficace ? Des études cliniques, menées sur des panels de population réduits, peuvent rapidement montrer si un vaccin est sûr ou pas. Mais démontrer son efficacité est plus complexe. Après la phase 1 vient le temps de la phase 2, où l'équipe doit démontrer que le vaccin fonctionne dans une population restreinte, puis la phase 3, où les essais doivent avoir lieu par exemple sur 2000 à 5000 personnes. Cela prend du temps : il s'agit d'abord de vacciner ces gens, puis de voir, dans un contexte de pandémie, s'ils attrapent le virus ou pas. Une procédure permettrait d'aller plus vite. Surnommée le "human challenge" (défi humain), elle consiste à sélectionner un groupe de personnes, à les vacciner, puis à leur inoculer le virus, afin de voir s'ils le développent ou pas. Cette méthode est bien utilisée dans le cas des recherches sur la malaria. Mais si elle est autorisée par les comités d'éthique, c'est qu'un traitement existe contre cette infection. Impossible, dans le cas du SARS-CoV-2, d'y avoir recours, car il n'existe pas de médicament pour soigner la personne si elle tombe vraiment malade, estime Marcel Tanner, président de l'Académie suisse des sciences et épidémiologiste. "Cela dit, on peut accélérer un peu les différentes phases cliniques nécessaires comme nous l'avons vu dans le cas Ebola et développer un bon vaccin, qui vise un haut niveau d'anticorps." Combien de temps peut-il nous protéger ? Attraper le coronavirus ne veut pas forcément dire en être protégé à jamais. D'ailleurs, quelques personnes l'auraient attrapé deux fois... Un bon vaccin pourrait surmonter ce problème. Mais rien ne dit qu'il provoquera une protection définitive – d'ailleurs, il arrive que l'on doive se vacciner tous les ans, car les protéines de surface du virus se transforment et il faut adapter la formule (grippe) ou faire des rappels (tétanos ou encéphalite à tiques). "Le système immunitaire perd parfois la mémoire du virus, explique Alessandro Diana. Il peut suffire d'un simple rappel pour réactiver ses souvenirs. Mais à ce stade, on ne sait pas comment cela va se passer pour le coronavirus. Il faut avoir la modestie de dire qu'il y a quatre mois, on ne connaissait même pas son existence." Trouver la substance active Si les déclarations politiques sont nombreuses, les étapes qui précèdent la mise sur le marché d'un vaccin le sont aussi. Tout d'abord, il faut trouver son contenu, sa substance active. Il doit être composé d'un antigène capable de stimuler la production d'anticorps par notre système immunitaire. Certains scientifiques lancés dans la course se basent sur les vaccins qui avaient commencé à être développés contre les deux précédents coronavirus pandémiques que sont le Sras (de 2003) et le Mers-CoV apparu au Moyen-Orient en 2012. Aucun d'eux n'a abouti, mais les recherches déjà amorcées peuvent constituer un premier support. Une série d'essais cliniques Ensuite, une fois le vaccin élaboré, il faut compter une très longue série d'essais cliniques qui peut durer 5 à 6 ans, comme l'a indiqué au Point l'ancienne directrice générale adjointe de l'OMS. Mais en période d'urgence sanitaire, le rythme semble s'accélérer grandement. Un laboratoire américain affirme en être déjà à la première phase d'essais cliniques de son vaccin, qui consiste à l'administrer à un petit groupe de personnes. La troisième phase de tests à grande échelle est prévue dès le mois de juillet. Toutefois, les données scientifiques concernant ce vaccin n'ont pas encore été publiées... Ce qui implique de rester prudent. Par ailleurs, après avoir élaboré un vaccin, il faut le produire à des milliards de doses, ce qui nécessite une multiplication des capacités de production des compagnies pharmaceutiques. Distribution Une fois fabriqué, le vaccin doit être approuvé par une autorité de santé, qui autorisera sa commercialisation. Pour être produit en masse, le laboratoire devra s'associer à une ou plusieurs entreprises pharmaceutiques spécialisées, qui disposent d'outils standardisés pour produire à large échelle. Ces deux firmes ont d'ores et déjà annoncé qu'elles uniraient leurs forces. De nombreux écueils Si la recherche d'un vaccin mobilise des chercheurs dans le monde entier et suscite l'intérêt des gouvernants, il faut raison garder, disent de nombreux scientifiques, car les écueils sont nombreux. La Covid-19 pourrait muter (comme la grippe) ou ne pas être très immunisant, ce qui limiterait l'efficacité du vaccin. Et si un vaccin se révélait efficace, on ignore combien de temps il pourrait protéger contre la maladie.
Par : YAHIA DELLAOUI LABORATOIRE DES URGENCES BIOLOGIQUES CHU ORAN