Arrêtée mercredi dernier de manière spectaculaire, la militante Amira Bouraoui a été présentée, dimanche, devant le tribunal de Chéraga. Elle a été condamnée à une année de prison ferme et écrouée. Malgré l'épreuve, Amira Bouraoui, habituée aux attaques venant du pouvoir et ses alliés depuis qu'elle est dans l'arène politique, est restée "digne". Aouicha Bakhti, avocate, décrit une femme "sereine" et déterminée malgré la gravité du moment. "Elle était égale à elle-même", résume Zoubida Assoul, une autre avocate qui s'est constituée, en compagnie d'une dizaine de ses confrères et consœurs, pour défendre la militante. Les deux avocates parlent d'"une femme combative" qui n'a pas montré de signe de fléchissement. "Elle s'est bien défendue comme à ses habitudes. Elle n'a rien nié", affirme Aouicha Bakhti. Devant la présidente du tribunal qui la confond avec ses écrits sur les réseaux sociaux – des écrits souvent acerbes – la militante "a reconnu les faits" et lanc" à l'adresse de la Cour : "J'écris sur ma page. Les gens qui ne veulent pas lire mes écrits n'ont qu'à ne pas consulter mon compte" ! C'est du Amira Bouraoui. "Elle a reconnu que, parfois, excédée par les dépassements et les violations des droits de l'Homme par le pouvoir, elle a été excessive. Mais elle assure qu'elle n'a jamais eu l'intention de nuire à quiconque", atteste Zoubida Assoul. Au-delà de la forme, Amira Bouraoui a rejeté, en bloc, les accusations d'incitation à la rébellion ou encore la "mise en danger d'autrui". "Elle a répété devant l'assistance qu'elle n'a jamais appelé les citoyens à manifester" en ces temps de confinement, assure Zoubida Assoul. "Je suis médecin, je sais très bien que sortir manifester est dangereux", a répondu la gynécologue à la juge qui lui reprochait d'avoir "mis en danger la vie d'autrui" en appelant à manifester durant ces jours de risque sanitaire. Les écrits n'existent pas. Mais l'accusation est maintenue. Il en est de même pour l'accusation "atteinte aux préceptes de l'islam" qui "ne sont pas étayés", indique Aouicha Bakhti. "Elle a répondu, avec force, qu'elle respecte toutes les religions et qu'elle ne s'est jamais attaquée à l'une d'elles", rappelle l'avocate. Si elle est restée digne tout au long de son procès, Amira Bouraoui a craqué alors qu'elle raconte les conditions de son arrestation. Elle a décrit les informations des voisins qui alertent la famille sur des policiers en civil qui encerclent la demeure familiale. "L'émotion a été encore plus forte lorsqu'elle raconte cette scène où une vingtaine de gendarmes, en civil, entrent chez elle et l'arrêtent, violemment, devant ses jeunes enfants et sa mère, malade. Elle en a pleuré", indique Aouicha Bakhti. "En dehors de cela, elle n'a montré aucun signe de faiblesse", ajoutera l'avocate qui témoigne que malgré la lourdeur de la sentence "inattendue", la militante n'a pas été ébranlée. "Au nom de tous les militants, je m'excuse et je demande pardon aux avocats, nous vous avons épuisés", a-t-elle lancé avant que les policiers ne lui passent les menottes. Les deux avocates racontent un climat lourd, un abattement de la défense au prononcé du verdict. "Le procureur nous a bernés. Il était très courtois avec Mme Bouraoui. Mais à la fin de son réquisitoire, il a retenu contre elle six chefs d'inculpation. C'est contraire à la loi", rapporte Zoubida Assoul, encore abasourdie par le verdict. Elle et ses collègues ont fait appel du jugement.