C'est avec beaucoup de cœur et d'assurance, mais dans une frugalité inqualifiable que le coup d'envoi de la deuxième édition du Salon national du livre et du multimédia amazighs a été donné, dimanche matin, au Ciaj Mohamed-Issiakhem de la ville de Bouira. Inscrit sous le signe d'un espoir conjugué à une pléiade d'expectatives, cet important rendez-vous culturel et scientifique, préparé conjointement par le Haut commissariat à l'amazighité, et la Bibliothèque nationale d'Alger et que le wilaya de Bouira s'est honorée d'abriter pour la deuxième fois consécutive, vise, selon Assad El Hachimi, représentant du HCA, à se frayer une place dans le calendrier annuel des festivités nationales, faire découvrir aux citoyens et plus particulièrement aux lecteurs berbérophiles les nouveaux ouvrages édités chaque année en Algérie en tamazight, sensibiliser l'opinion citoyenne sur l'importance de l'édition et de la production des différents supports culturels amazighs, diagnostiquer les problèmes auxquels sont confrontées celles-ci, en vue d'y remédier et, enfin, établir un contact régulier entre les différents intervenants à ces activités, à savoir : l'auteur, l'éditeur et le lecteur. Dans son allocution inaugurale, le Dr Amine Zaoui, directeur de la BN qui regrette la marginalisation dont ont été victimes la langue et la culture berbères dans leur propre pays des siècles durant, aperçoit en cette deuxième rencontre nationale, qui a regroupé éditeurs, auteurs et autres érudits des quatre coins du pays, une entrée fracassante dans l'histoire et une réconciliation de l'Algérie avec son identité et son origine berbères. Conscient de la valeur morale et civilisationnelle du livre et de la lecture, de par son statut de responsable de la plus importante institution livresque du pays et son intellectualisme, M. Zaoui qui illustrait merveilleusement cette valeur par une citation qui disait déjà il y a longtemps, et à juste titre, que “Qui lit un livre éteint un feu”, annonçait à l'occasion la contribution de la Bibliothèque nationale à l'encouragement de la production des supports culturels amazighs et ce, à travers l'achat par celle-ci de 200 exemplaires de chaque titre édité en tamazight. “C'est un long marathon qui est entamé, dont nous avons parcouru deux mètres seulement”, a-t-il dit au sujet du combat pour la promotion de l'édition et de la production du livre et du multimédia amazighs dans notre pays. Lequel combat vise à faire du patrimoine culturel et scientifique berbère et, du coup, du Salon national qui acquerra dès la prochaine édition une dimension maghrébine, un repère pour toute la Méditerranée. Un long marathon parsemé d'embûches de tous genres, dont les athlètes ne sont autres que des érudits usant de leur force de caractère, de leur énergie savante, mais surtout de leur fierté d'avoir pris part à cette culture pour surpasser la volonté obscure de nuire à leur noble démarche, qui prend forme de blocages bureaucratiques sur lesquels ils ne cessent de buter. Pour sa part, Youcef Merahi, secrétaire général du HCA a abondé dans le même sens et a défendu la valeur inestimable des manuscrits et des autres supports médiatiques et culturels et leur rôle agissant dans la préservation des cultures et des civilisations. “Nul ne peut affirmer que les legs poétiques de Si Moh u M'hand ou des contes de nos ancêtres nous sont parvenus dans leur totalité”, a-t-il argué, tout en montrant les limites de l'oralité qui n'est plus en mesure d'assurer à notre culture la continuité dans une époque où la modernité comporte quelques menaces sur notre patrimoine, qui devra son salut à une nouvelle génération d'hommes de lettres et de culture. À propos de l'intégration dès la quatrième année élémentaire de tamazight comme matière d'étude, M. Merahi, s'est interrogé sur “les raisons qui font que nos enfants étudieront la langue de Molière avant celle de Mammeri” et sur les facteurs auxquels obéit une telle décision. Les intervenants, confinés à développer les perspectives du projet et les moyens théoriques à même de lui garantir la réussite, qui ont fait impasse, lors de leurs allocutions sur le ménagement et l'austérité remarquables dans lesquels s'est faite l'ouverture de cette 2e édition, se sont quand même officieusement plaints de quelques défaillances qu'ils ont d'emblée relevées au premier jour de ce rendez-vous. Ils nous ont, entres autres, exprimé leur frustration et leur abattement de ne pas pouvoir procurer des chaises à leurs exposants et un tas de moyens indispensables au bon déroulement de la manifestation. Des sentiments atténués par l'adhésion morale des autorités locales. SLIMANE ALLOUCHE