Le président du Conseil de l'ordre des médecins et membre du Comité scientifique de suivi de la pandémie de coronavirus, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, revient dans cet entretien sur la nature de la relation entre le Comité scientifique et la Cellule opérationnelle que dirige le Pr Belhocine. Il a également abordé la question de représentativité du Comité scientifique qui a fait l'objet de nombreuses critiques. Liberté : La démarche du Comité scientifique a fait l'objet de critiques, notamment en termes de représentativité ? Dr Mohamed Bekkat Berkani : Je pense qu'au début, c'est vrai, il y a eu une petite incompréhension. Moi-même j'avais dit qu'il fallait que ce soit consensuel. Pour être consensuel dans une lutte de cette ampleur, il fallait faire appel aux organisations représentatives, en particulier des médecins. Faire appel à des syndicats de la médecine libérale, des hospitalo-universitaires, et ce, pour que le rendement soit maximal. Il y a eu une absence de ses partenaires, mais dernièrement, le ministre de la Santé a reçu des partenaires sociaux et il leur a demandé de rejoindre le comité. Cela étant, il ne faut pas faire un Comité scientifique de 2 000 membres. Maintenant, rien n'empêche qu'il y ait en Algérie ce qu'on appelle l'Union sacrée, parce qu'il s'agit d'une cause nationale, la lutte contre le coronavirus. Quelle est la nature de la relation entre la Cellule opérationnelle de suivi des enquêtes épidémiologiques et le Comité scientifique ? Sur le plan de la constance épidémiologique, il y a des équipes des Services de médecine préventive et d'épidémiologie (SMPE) qui sont déjà sur le terrain. Cependant, il est clair que cette cellule se heurte à un certain nombre de difficultés, particulièrement en termes de moyens. La solution doit être alors locale. Les autorités locales sont appelées à apporter un ensemble des facilités liées, entre autres, aux moyens de locomotion et autres. La décision de création de cette cellule d'observation est en relation avec le Comité scientifique. Elle est, d'ailleurs, sous la responsabilité d'une personne issue du Comité scientifique, en la personne du Pr Belhocine. C'est quelque chose de très intéressant.
Que ressort-il des rapports de la Cellule transmis au Comité scientifique ? Jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons été destinataires que de constats de la part du Pr Belhocine à travers des rapports qui nous ont été remis. Ces rapports nous renseignent plus ou moins les difficultés que nous connaissions déjà et que l'Institut national de santé publique (INSP) avait déjà recensées. Donc au final, nous sommes au stade des constats. Nous ne sommes pas encore au stade de l'action. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que les médecins épidémiologues sont dépouillés de moyens et de bien d'autres choses pour centraliser leurs renseignements, leurs informations et agir. Parce que faire uniquement des constats, c'est bien, mais faire des actions, c'est mieux. Nous estimons finalement que la création de cette Cellule reste quelque chose de très intéressant. Sur le plan des résultats, il faut attendre encore un peu. Mais le Comité scientifique ne reste pas tributaire de cette Cellule. Le Comité continue de travailler. Il obtient des informations à travers le ministère de la Santé et ne manque pas de donner des orientations et des instructions. Le déconfinement de la société décrété par le gouvernement ne serait-il pas un peu hasardeux au vu de l'actuelle situation épidémiologique ? Le confinement généralisé de la population est à présent dépassé dans la mesure où sur le plan épidémiologique, le virus circule pratiquement sur tout le territoire national, nous devons donc apprendre à vivre avec le virus qui est dans l'environnement. Par conséquent, nous devons revenir progressivement à des activités de situation normale, qu'elles soient commerciales, religieuses ou même ludiques. Il est temps de desserrer un petit peu les craintes des populations, sous des conditions de protocoles sanitaires et de mesures barrières à appliquer sur le terrain. Cela dit, toutes les dispositions prises par le gouvernement sont progressives. Pour les mosquées, par exemple, ce sont uniquement celles dont la capacité dépasse 1 000 places qui seront rouvertes pour pouvoir appliquer la règle de distanciation physique et d'un nombre de règles d'hygiène élémentaires, nécessaires et obligatoires. En outre, l'Algérie demeure peut-être l'un des derniers pays à avoir renoué avec les espaces de détente, notamment l'accès aux plages qui sont le seul loisir des Algériens en été. Et ce malgré la contamination qui reste élevée ? J'estime que tous les chiffres sont plutôt stables. Nous évoluons entre 500 et 600 nouveaux cas par jour. Et nous ne pouvons pas parler d'une deuxième vague. Alors qu'il y a des pays dans le monde qui ont connu une augmentation brutale dépassant même les 1 000 cas par jour. Des pays ont fait un déconfinement absolument non contrôlé. L'Algérie, en revanche, a opté pour un déconfinement progressif, de façon à contrôler au mieux l'augmentation du nombre de cas par jour. Le déconfinement effectif à partir du 15 août obéit donc à un calendrier préétabli... Je pense que le gouvernement a pris cette décision de déconfinement non pas en fonction de la probabilité de l'explosion des cas, mais plutôt par rapport à un calendrier préétabli. Il a été estimé qu'à partir de la mi-août, on pouvait permettre aux Algériens de se deconfiner sous réserve d'apprendre à respecter les gestes barrières. Pour la vaccination, il faudrait attendre plusieurs mois, je pense qu'il faudrait s'occuper à éteindre la maladie du coronavirus par des mesures strictes. Si le vaccin arrive, tant mieux, sinon, il faudra continuer à lutter sur le terrain. La situation n'est pas si gravissime. Il y a donc urgence à revenir à la vie normale ... La décision d'aérer un petit peu la vie économique et sociale en déconfinant les restaurants et les cafés était plus que nécessaire. C'est tout un pan de l'économie qui est à l'arrêt. Les Algériens étaient éprouvés par ces six mois de confinement. Il est temps de commencer à revenir à une vie normale, tout en nous habituant à vivre avec le virus, à nous méfier de lui et à prendre les dispositions nécessaires. Il est prouvé que le port du masque réduit considérablement le risque de contamination. La reprise universitaire, programmée pour la fin du mois d'août, obéira, bien entendu, à des protocoles sanitaires. En revanche, des mesures de prévention et de reconfinement ont été établies en cas d'anomalie ou d'augmentation brutale des cas à l'échelle locale. La responsabilité est donnée aux walis de réagir et de prendre des dispositions, même de reconfinement tout à fait local et le réaménagement des dispositions horaires. N'aurait-il pas été plus judicieux de faire accompagner le déconfinement par une opération de dépistage massif ? Il y a des pays — comme l'Allemagne — qui ont fait un dépistage massif. Pour entreprendre une telle opération, il faut en avoir les moyens, un nombre conséquent de kits de dépistage PCR. À défaut, le test rapide reste-t-il une solution envisageable ? Le test rapide donnera uniquement une idée de la contagiosité de la population. Par conséquent, on ne peut parler de dépistage. Le test rapide permet plutôt d'avoir un état épidémiologique. C'est totalement différent. Ces tests rapides doivent être réservés uniquement à des clusters ou à des endroits où il y a un nombre de cas élevé. On fait une sorte de cordon sanitaire et on dépiste tout le monde. Mais généraliser le test rapide dans la grande masse ne servira à rien. Il est absolument inutile. Face à la pénurie des tests RT-PCR, qu'est-ce qui empêche d'intégrer les tests rapides dans le dispositif de détection du virus ? L'examen RT-PCR est le test de référence. Il reste l'apanage de l'Etat à travers ses démembrements tels que l'Institut Pasteur. Dernièrement, on a aidé les laboratoires privés à acquérir des automates. Ce qui va certainement soulager les structures de l'Etat. En un mot, il faut bien que le privé prenne sa part de tests RT-PCR. Les tests rapides donnent en 10 min le résultat, infecté ou non au virus. Les tests rapides ne donnent pas suffisamment l'assurance que vous êtes malade ou pas malade. Il y a deux fabricants locaux de tests sérologiques qu'il faudra encourager, mais il faut les réglementer. Ces producteurs nationaux posent le problème de validation des tests. Ils demandent que ces tests soient validés, or jusqu'à présent, l'OMS n'en a validé aucun. Ces tests rapides sont considérés comme des éléments d'orientation. Lesquels éléments sont importants pour savoir, dans une collectivité, le degré d'infection et les degrés de réception virale et de développement des anticorps des individus. Je pense que ces tests ont leur place dans le panorama algérien, il faut juste réglementer et expliquer à ceux qui font ce type de test l'objet et la portée de cet examen sérologique. Entretienr réalisé par : Hanafi H.