Sans l'application des accords de paix israélo-palestinien, que Tel-Aviv n'a jamais respectés, le processus de normalisation va rendre la défense de la cause palestinienne plus compliquée à l'avenir. L'annonce d'un accord de normalisation des relations entre Israël et les Emirats arabes unis (EAU), qui sera actée prochainement sous l'égide des Etats-Unis, va bouleverser la donne au Proche-Orient, au-delà du tort qui sera causé à la Palestine, dont le projet de création d'un Etat indépendant et autonome semble aujourd'hui compromis. Et pour cause, même si l'occupant israélien accepte d'arrêter ses projets de colonisation en Cisjordanie et dans El-Qods occupées, le mal est déjà fait. La Palestine, en tant que futur pays, sera un Etat parcellé, cerné par des colonies israéliennes dont l'expansion s'est accélérée depuis l'arrivée du Premier ministre Benjamin Netanyahu à la tête du gouvernement en 1996 jusqu'en 1999, puis depuis 2009. Avec une autorité palestinienne affaiblie, du fait des rivalités opposant le Fatah, qui règne sur Ramallah, au Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis les législatives de 2007, Tel-Aviv s'est employé à étendre son territoire, profitant aussi d'une situation chaotique dans les pays arabes, en proie à une instabilité politico-économique et sécuritaire chronique depuis 2011. Aujourd'hui, le jeu des alliances dans la région du Golfe et la guerre d'influence qui fait rage avec l'Iran laissent la Palestine sur le carreau. Le soutien accentué des Etats-Unis à Tel-Aviv, depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, n'a fait qu'aggraver une situation déjà fragile, usant à la fois du poids diplomatique de Washington dans la région et du levier financier, en suspendant la quasi-totalité des aides accordées par les Etats-Unis aux Palestiniens ainsi qu'aux organisations humanitaires onusiennes impliquées dans la région. Maintenant que l'accord est annoncé, il ne reste qu'à entraîner le reste des pays du Proche-Orient dans cette voie de normalisation que le plan de paix américain de Trump au Proche-Orient veut officialiser dans les meilleurs délais, pour s'assurer une sécurité maximale pour Israël et neutraliser un Iran aux ambitions régionales prononcées, comme le montre son implication dans le conflit au Yémen aux côté des Houthis et en Syrie où il soutient le contesté président Bachar al-Assad. Ceci sans oublier le soutien qu'il apporte au parti chiite libanais, Hezbollah, jusqu'à en faire une véritable puissance militaire (la véritable armée libanaise) à Beyrouth. Il y a aussi la question de l'armement vendu aux pays du Golfe par les Etats-Unis qui entre dans l'arène. Sans la conclusion d'une paix entre Israël et ses pays voisins, Washington contrôle ses ventes d'armes à des pays comme l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis ou le Qatar, par crainte d'en faire un mauvais usage. Ce verrou est appelé à sauter, notent les experts. Les pays du Golfe comptent déjà parmi les plus grands clients de l'industrie militaire américaine. Durant les 5 dernières années, le plus gros de la production américaine d'armement est exporté vers les pays du Proche-Orient, selon un rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Les importations de ces pays ont presque doublé (+87%) en 5 ans, affirme une récente étude du Sipri. "Plus les EAU deviennent un ami d'Israël, ils deviennent un partenaire d'Israël et un allié régional des Etats-Unis. Je pense clairement que cela changera l'évaluation de la menace et pourrait travailler dans l'intérêt des EAU", a affirmé hier David Friedman, ancien ambassadeur des Etats-Unis, cité par l'agence de presse Reuters. Lyès Menacer