A écouter les acteurs du drame palestinien, l'on se demande si les uns et les autres parlent de la même tragédie. Ainsi, Washington continue d'exiger de Arafat qu'il condamne le «terrorisme» tout en ne faisant rien pour arrêter la main criminelle de Sharon. Les Palestiniens tombent toujours sous les balles de Tsahal, le secrétaire d'Etat américain le général Colin Powell, en mission de «paix» dans la région, fait tout, y compris des excursions touristiques dans le nord d'Israël, mais pas ce qui était attendu de lui: exiger le retrait immédiat et sans condition de l'armée d'occupation israélienne. Or, rien de tel n'eut lieu, et les deux compères, Sharon et Powell, mènent leur monde en bateau. Depuis jeudi, date de l'arrivée du ministre américain au Proche-Orient, les deux hommes se livrent à une macabre comédie qui fait fi de la vie des Palestiniens qui meurent par dizaines chaque jour. Ainsi, Sharon refuse catégoriquement de se plier aux sollicitations, peu appuyées et peu convaincantes, du général Powell, tonnant qu'il n'évacuera pas son armée «avant qu'elle ait fini son travail». Après quoi, Powell entreprend un voyage à Beyrouth et à Damas pour les presser d'intimer au Hezbollah d'arrêter ses attaques contre le réduit de Chabaâ (Liban) occupé par Israël, manière de faire gagner du temps au bourreau des Palestiniens. La mascarade ne s'arrête pas là, lorsque la Maison-Blanche demande «à tous» de faire «des choix douloureux (...) pour la paix». L'Administration américaine ne semble pas savoir que les Arabes avaient déjà, de longue date, fait ce choix «douloureux» de la stratégie de la paix? Un choix d'ailleurs réitéré et confirmé par le Sommet arabe de Beyrouth du 28 mars dernier, au grand soulagement de la communauté internationale, qui a pu mesurer la pondération et le pragmatisme des Etats arabes. Aussi, au moment où les Arabes proposaient la paix et la normalisation aux Israéliens, Sharon décide le lendemain (29 mars) d'engager toutes les forces armées israéliennes dans une guerre sans merci contre les Palestiniens dont Israël occupe, depuis des décennies, les territoires. Dans cet invraisemblable chassé-croisé ce sont encore, et toujours, les Palestiniens qui font les frais de décisions qui ne prennent d'aucune manière en charge les intérêts d'un peuple sommé de s'exécuter et de se conformer au diktat israélien. C'est exactement le cas de la nouvelle trouvaille de Sharon, lequel sans rire, propose aux Etats-Unis d'organiser une conférence internationale sur le Proche-Orient, où ne prendront part ni Yasser Arafat et l'Autorité palestinienne, ni l'Union européenne, ni l'ONU ni la Russie. Mais le chef du gouvernement israélien ne verrait pas d'inconvénient à la présence - autour d'Israël et des Etats-Unis - de Palestiniens (lesquels?) de l'Egypte, de la Jordanie, du Maroc, de l'Arabie Saoudite et des Etats du Golfe. L'Egypte et la Jordanie, qui entretiennent des relations diplomatiques avec Tel-Aviv, ne peuvent réaliser plus que ce que l'accord de paix signé avec Israël leur permet de faire. Le Maroc, à quel titre? Quant aux petits Emirat du Golfe, pourquoi faire? Avec qui, finalement, Sharon veut-il faire la paix? L'absurdité d'une telle proposition a laissé sans voix les analystes qui se demandent où veut en venir cet homme couvert du sang des martyrs de la Palestine occupée. La communauté internationale sceptique ne croit pas à une initiative qui fait l'impasse sur la cause centrale de la crise proche-orientale: l'occupation par l'armée israélienne des territoires palestiniens. Ce que résume le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Piqué, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE,: «Si M.Sharon veut seulement parler à ceux qui lui donnent raison, il va rester très vite sans interlocuteurs.» De fait, si conférence international il y a, c'est seulement pour obliger Israël à appliquer les nombreuses résolutions de l'ONU, notamment la 242 qui exige le retrait des territoires palestiniens occupés en 1967, et à honorer ses engagements dans le cadre du processus de paix. Il faut bien se convaincre, enfin, qu'aucune paix n'est envisageable tant qu'Israël occupe encore une parcelle du territoire palestinien. Ce que le président Arafat avait réitéré, dimanche encore, au secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, lors de leur rencontre à Ramallah assiégée, alors que l'envoyé US exigeait de Yasser Arafat de condamner les attentats «terroristes». De fait, comme un leitmotiv, les Palestiniens et le président Arafat ne cessent de répéter que l'arrêt des attentats kamikaze, est conditionné par un retrait total de l'armée israélienne des territoires occupés. Ce que pense également la communauté internationale qui réalise aujourd'hui que seule une force d'interposition ouvrira des perspectives de paix pour la région. Une telle force de paix internationale ne peut être opérationnelle que dans le cas du retrait des Israéliens à leur frontière internationalement reconnue. Tout autre mesure ne serait que louvoiements peu propices à la recherche d'une paix véritable pour le Proche-Orient. Or, Sharon ne cherche lui qu'à gagner du temps pour terminer la destruction des infrastructures de l'Autorité palestinienne, qu'il persiste à qualifier d'infrastructures d'organisations «terroristes». L'inaction américaine et sa non-condamnation des opérations criminelles de l'armée israéliennes contre la population palestinienne ne contribuent qu'au pourrissement de la situation et à rompre les quelques liens qui subsistent encore entre les hommes de bonne volonté palestiniens et israéliens. Sharon cherche le clash définitif et Washington l'y aide grandement en n'exigeant pas un retrait sans condition et en ne condamnant pas les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qui se commettent en Palestine occupée. C'est l'avis qu'exprime Lakhdar Brahimi, représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, pour l'Afghanistan, qui vient encore une fois de réaffirmer qu'Israël est responsable d'un crime contre l'humanité en Cisjordanie, soulignant, dans un entretien accordé à l'agence iranienne INA: «J'ai dit à plusieurs reprises que ce qui se passe en Palestine aujourd'hui aurait été qualifié de crime contre l'humanité, s'il avait eu lieu n'importe ou ailleurs dans le monde», ajoutant: «L'armée israélienne démolit des maisons, attaque des ambulances transportant des blessés», et de relever: «Nous n'avons pas à nous excuser de notre soutien aux Palestiniens, mais plutôt de notre incapacité de leur offrir plus de soutien.» En attendant, pendant que les Palestiniens continuent de tomber sous les balles israéliennes, que Sharon se moque du monde, le chef de la diplomatie américaine tente de dissuader Libanais et Syriens d'ouvrir un autre front dans le nord d'Israël, pour permettre effectivement au terroriste Sharon d'achever son sale travail dans les territoires occupés.