Selon des avocats, il ne convient pas d'ouvrir le procès avant que l'instruction sur l'implication, dans cette affaire, de hauts cadres de l'Etat, ne soit bouclée à la Cour suprême. Le procès en première instance des frères Kouninef, qui devait s'ouvrir hier au tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, a été renvoyé au 2 septembre. Le collectif de défense des hommes d'affaires a plaidé en faveur du report au motif qu'il n'a pas eu le temps d'étudier certains documents contenus dans le dossier. Selon des avocats, le procès — reporté au demeurant pour la deuxième fois — ne peut se tenir tant que l'instruction visant d'anciens hauts responsables de l'Etat ne soit bouclée. Huit ministres sous le régime d'Abdelaziz Bouteflika (Abdelhamid Temmar, Amar Tou, Houda Faraoun, Amar Ghoul, Hocine Necib, Mohamed Arkab, Mohamed Loukal et Abdeslem Bouchouareb en fuite), les deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal et les trois chefs de l'exécutif de wilaya (Abdelkader Zoukh pour Alger, ainsi que Bederssi Ali et Bachir Far pour Jijel), qui bénéficient de la procédure liée au privilège de juridiction, ne sont pas encore auditionnés par le conseiller instructeur près la Cour suprême. Si le procès s'ouvre avant la fin de ces auditions, ces derniers seront cités comme témoins au lieu de l'être éventuellement comme coaccusés. Les avocats des Kouninef et de leurs co-inculpés insistent sur la fusion de l'affaire, en voie d'être jugée à l'entame du mois de septembre, avec celle des hauts cadres de l'Etat. Les frères Kouninef, Réda, Karim et Tarek, en détention préventive à la prison d'El-Harrach depuis le mois d'avril 2019, sont poursuivis pour trafic d'influence en vue d'obtention d'indus avantages, blanchiment d'argent, transfert illicite de devises vers l'étranger, obtention de marchés publics et de crédits bancaires en violation des lois en vigueur en la matière, "non-respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics" ; "détournement de foncier agricole et de concessions", financement occulte de la campagne électorale pour un cinquième mandat au profit du président Bouteflika, contraint à la démission en mars 2019... Dans le même dossier sont également poursuivis deux autres membres de la fratrie, en fuite à l'étranger, l'administrateur-gérant du groupe KouGC et nombre de cadres du ministère de l'Industrie et des Mines, ainsi que celui de l'Agriculture. Pendant des années, les Kouninef ont largement fait fructifier leurs affaires grâce à leur étroite proximité avec l'ancien chef de l'Etat, et particulièrement avec son frère conseiller Saïd Bouteflika. Ce dernier, condamné par le tribunal militaire de Blida (peine confirmée par le procès en appel à la Cour militaire) à quinze ans de réclusion pour complot contre l'autorité de l'Etat, sera appelé à la barre en qualité de témoin. Il est attendu, néanmoins, qu'il garde le silence. En décembre 2019, au procès de l'homme d'affaires Ali Haddad, il avait refusé de répondre aux questions du président de l'audience et du procureur de la République sur le financement de la campagne électorale de son frère aîné, capté de manière illégale.