La mission de l'ONU en Libye a demandé une enquête sur le recours des milices de Haftar à la violence contre les manifestants et a exigé la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées et détenues arbitrairement. Le gouvernement parallèle de l'Est de la Libye a présenté dimanche, en fin de journée, sa démission au président du parlement de Tobrouk, Aguila Salah, après des protestations populaires inédites à Benghazi et dans la ville d'al-Marj, réprimées violemment par les milices de Khalifa Haftar. Selon les médias libyens, l'usage par ces milices de tirs à balles réelles a fait un mort et plusieurs blessés parmi les manifestants d'Al-Marj. D'après toujours la presse libyenne, la démission du gouvernement parallèle a été rejetée par Aguilas Salah, le désormais homme fort de l'Est libyen signataire, le 21 août, avec le Gouvernement d'union nationale (GNA), d'un accord de cessez-le-feu durable et salué par la communauté internationale. Point d'orgue d'une colère populaire qui couve depuis plusieurs mois, la contestation de dimanche dans l'Est libyen contre la détérioration des conditions de vie, est une remise en cause cinglante de la gestion "chaotique" d'une classe dirigeante locale affiliée au général à la retraite Khalifa Haftar, désormais en pleine disgrâce. Ce dernier a imposé à cette région orientale du pays, contrôlée d'une main de fer depuis 2014, un régime quasi-martial. Les habitants de l'Est qui vivaient quasiment coupés du monde et sans aide internationale, n'osaient pas exprimer jusqu'alors leur colère contre le gouvernement parallèle de peur de se faire réprimer ou arrêter par les milices. Les choses ont basculé depuis et la déchéance de Haftar face au Gouvernement d'union nationale, lâché également par ses soutiens étrangers, l'Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie, a fait tomber les murs de la peur et les populations de l'Est laissent désormais exploser leur colère, enfonçant ainsi un peu plus ce général tenu pour responsable de tous les maux que subissent les Libyens de l'Est mais pas seulement. En réponse à cette protestation inédite, les milices de Haftar, visiblement surpris par l'explosion de colère des populations, ont réprimé dans le sang cette vague de contestation croissante. La mission de l'ONU en Libye (Manul) a d'ailleurs condamné dans des termes les plus forts ce recours à la répression violente contre les populations, rappelant le droits garantis de réunion et de manifestations. Dans un communiqué, diffusé en fin de journée de dimanche, la représentante spéciale du chef de l'ONU en Libye, Stéphanie Williams, s'est déclarée gravement préoccupée par les informations selon lesquelles un civil a été tué, plusieurs blessés et un certain nombre d'autres manifestants ont été arrêtés ce 12 septembre à la suite de l'utilisation excessive de la force par les autorités de l'Est, à Al-Marrj notamment. La Manul a demandé une enquête approfondie et immédiate sur ces incidents et la libération rapide de toutes les personnes arrêtées et détenues arbitrairement. Dans son document, Mme Williams a rappelé à toutes les parties en Libye que "les droits de réunion pacifique et la liberté d'expression sont des droits humains fondamentaux et relèvent des obligations de la Libye en vertu du droit international des droits humains". Ces manifestations, et celles qui ont été observées récemment dans d'autres parties de la Libye, ajoute la Manul, "sont motivées par des frustrations profondes au sujet des mauvaises conditions de vie, des pénuries d'électricité et d'eau, de la corruption endémique, de la mauvaise gouvernance et du manque de services dans tout le pays".