Le directeur général de Sider El-Hadjar estime que le challenge de la relance de la production "est une opération délicate" au regard des moyens matériels et humains "limités". Mais il compte sur une équipe dirigeante "consciente des enjeux stratégiques" pour redorer le blason d'un géant considérablement fragilisé. Aux prises avec une réalité économique peu favorable, le directeur général considère que les nouveaux défis "forgent" l'ensemble des équipes en donnant "le meilleur d'elles-mêmes". Liberté : En tant que directeur général du complexe sidérurgique Sider d'El-Hadjar qui a pris les rênes de ce site, vous êtes appelé à relever le défi de la relance de la production en pleine période de crise multiforme. En avez-vous les moyens ? R. Belhadj : L'équipe dirigeante du complexe est appelée à user de ses propres moyens humains et de ses équipements actuels, ainsi que de ceux prévus dans le cadre du programme de réhabilitation et de rénovation pour relancer le site. Vous sentez-vous en mesure de relever le défi ? Relever un défi de taille et complexe avec des moyens matériels et humains limités est une opération délicate. Mais il faut prendre la peine d'entreprendre des actions pour tendre vers l'amélioration d'un développement durable. L'équipe dirigeante, consciente des enjeux stratégiques et conjoncturels, ne ménagera aucun effort pour faire aboutir toutes les mesures envisagées. Par ailleurs, en ciblant une nouvelle approche dans le partage de l'information, dictée par des impératifs de gestion, le management envisage, dorénavant, de communiquer des informations utiles et pertinentes sur l'état de l'entreprise, tout en véhiculant des messages visant à sensibiliser et à accrocher au mieux les esprits de ses collaborateurs et le partenaire social à tous les niveaux hiérarchiques, voire favoriser leur sentiment d'être partie prenante et active de l'effort commun dans la réalisation des objectifs ambitieux de l'usine. Car seuls les défis nous forgent et nous forcent à donner le meilleur de nous-mêmes car, comme le dit l'adage, pas de souffrance, pas de progrès, ni de résultats (No pain, no gain). Aussi, nous tenons à faire connaître notre volonté manifeste d'impulser une nouvelle dynamique, afin d'œuvrer en faveur d'un changement qui tienne compte des intérêts de l'entreprise et nous avons de bonnes raisons de croire à une issue favorable à la relance de l'activité industrielle. La tutelle prône la promotion et le développement de la petite et moyenne industrie, créatrice de richesses et d'emplois par la réalisation d'unités économiques s'inscrivant dans la complémentarité de la production du complexe sidérurgique. Qu'en est-il concrètement pour vous ? Les PME et PMI ont un rôle majeur dans l'économie d'un pays et de surcroît en Algérie qui prône la relance économique ; l'émergence de ces acteurs économiques de proximité est nécessaire pour accompagner les grandes entreprises. Nous adhérons pleinement à la politique économique prônée par les pouvoirs publics et au principe d'ouvrir le site d'El-Hadjar aux PME et PMI pour s'installer à nos côtés, afin de se compléter dans le but de créer ensemble les conditions nécessaires à l'épanouissement du secteur de l'industrie sidérurgique et d'étoffer le tissu industriel dans et autour du complexe sidérurgique d'El-Hadjar. Ces PME/PMI peuvent être soit des entreprises qui exercent dans le domaine de la transformation des produits sidérurgiques plats et longs d'El-Hadjar, soit des entreprises qui peuvent fournir des matières premières entrant dans le cycle de production de Sider El-Hadjar et même pour d'autres sidérurgistes. Pour les transformateurs de produits sidérurgiques, nous pouvons citer, à ce titre, l'industrie de l'électroménager, de l'automobile avec ses accessoires tôles et fabrication de pièces de rechange, machines-outils, l'étamage ou le fer blanc pour la fabrication des produits de conditionnement, à l'instar des boîtes de conserve ou l'emballage pour divers produits, ainsi que la fabrication de pièces ou forge. Pour le second cas, le domaine est aussi très vaste en citant, à titre indicatif, le domaine des produits réfractaires, les ferro-alliages, les huiles et graisses, et de la pièce de rechange.
Quel sera, selon vous, l'avenir des usines filiales, telles que la Tuberie sans soudure, AMM, Alfatub, Cryosid, Coprosid, dans ce contexte de restructuration ? L'avenir des unités filiales ne peut se concevoir qu'en s'articulant sur des principes en adéquation avec leur métier de base, afin d'assurer une capacité d'adaptation aux évolutions techniques et économiques du complexe d'El-Hadjar. Mais il appartient aux pouvoirs publics, seuls habilités à décider du sort de ces filiales. Cela dit, il est utile de rappeler que certaines filiales, hormis les AMM/ATC et Coprosid qui font partie intégrante de l'entreprise, sont autonomes et apportent leur expérience et leur savoir-faire à Sider dans leur périmètre d'activité, à l'instar d'Alfatub, de Cryosid et de Refractal. En revanche, la Tuberie sans soudure, qui dépend totalement de l'usine en matières premières (lingots), a intégré le giron de l'EPE Sider El-Hadjar Spa depuis plus d'une année ; et en attendant ce qu'il adviendra de cette unité stratégique dans un avenir proche, elle continuera de s'inscrire dans l'organisation de l'entreprise Sider. S'agissant d'Alfatub, aujourd'hui une entreprise publique économique, dénommée EPE Alfapipe Spa, elle est autonome depuis la restructuration de Sider de 1995. Comment comptez-vous moderniser le mangement de sorte à conquérir des parts des marchés interne et externe ? Dans un monde éternellement en mouvement et avec des enjeux grandissants, l'entreprise se doit de s'entourer des meilleures expertises dans des disciplines variées aptes à saisir la complexité des questions en jeu, mais également des compétences managériales pour gérer et développer ses activités. L'EPE Sider El-Hadjar Spa n'est pas en reste de cette réalité, car son équilibre et sa pérennité dépendent entièrement d'un management fort, disponible, engagé et énergiquement impliqué ; le management, tel que nous le concevons aujourd'hui, est un outil de développement pour créer la performance, mais également un vecteur de sens pour aller dans la bonne direction ; cela suppose un haut niveau d'intégration et une implication active de tous les responsables. Déterminé à réussir, je garde l'espoir que la collaboration de tous donnera des résultats tangibles car, de profil communicant, je mise beaucoup sur le partage de l'information et l'intelligence collective, les qualités du management moderne. Toutefois, l'entreprise accuse un grand retard dans le domaine, et c'est ce qui a conduit, jusqu'à aujourd'hui, à des contre-performances répétitives à tous les niveaux ; et c'est le propre, malheureusement, de la majorité des EPE en l'absence d'un plan adapté de mise à niveau des gestionnaires et collaborateurs pour assurer une très bonne gouvernance des structures des entreprises. Disposez-vous de la ressource humaine suffisamment préparée à relever les défis que l'on attend du complexe ? Nous ambitionnons de faire de la formation un acte stratégique pour le développement des compétences managériales, quand bien même cela prendrait du temps. Notre prochaine étape consistera en la mise en place d'un vaste programme de formation dédié aux collaborateurs managers. Nous sommes condamnés à réussir parce que nous n'avons plus le droit à l'échec ; les pouvoirs publics continuent de nous soutenir dans les moments difficiles, mais ne peuvent continuer à le faire indéfiniment. Nous devons mettre en place une autre approche dans la gestion des activités de l'entreprise et les outils du management moderne sont là pour nous rappeler l'impératif de s'en doter pour les utiliser dans notre gestion quotidienne. À nous de les exploiter sciemment. Par ailleurs, si par le passé, nous avions une situation monopolistique dans la commercialisation des produits sidérurgiques, ce n'est plus le cas aujourd'hui, où nous ne sommes plus les seuls activant sur le marché, aujourd'hui devenu concurrentiel à la faveur de la présence de beaucoup d'autres entreprises.
Propos recueillis par : A. ALLIA Historique du site sidérurgique d'El-Hadjar - Période coloniale : le projet de construction d'une usine sidérurgique à Annaba été inscrit en 1958 dans le plan de Constantine. Ce projet a vu la création de la Société bônoise de sidérurgie (SBS) qui a été chargée de réaliser un haut-fourneau et ses annexes. - 1964, création de la SNS : après l'indépendance, l'Etat algérien a créé, le 3 septembre 1964, la Société nationale de sidérurgie (SNS) qui a été chargée de la construction du complexe sidérurgique d'El-Hadjar. - 1969, première coulée : le complexe est entré en production après son inauguration le 19 juin1969 par le président Houari Boumediène. - 1983, création de l'EN Sider : la restructuration de l'industrie algérienne a donné naissance à l'Entreprise nationale Sider. - 1999, création d'Alfasid : un plan de redressement interne du groupe Sider donne naissance à 25 entreprises industrielles autonomes dont Alfasid qui représente le "cœur du métier" de la sidérurgie. - Décembre 2004 Mittal Steel Annaba : la société change de dénomination après la fusion de LNM holding et Ispat internationale. - Juin 2007, ArcelorMittal Annaba : résultat de la fusion entre Mittal Steel et Arcelor. - Octobre 2013, ArcelorMittal Algérie : la société change de dénomination après la signature d'un accord stratégique entre ArcelorMittal et Sider, par lequel, la participation d'ArcelorMittal dans le capital de la société passe à 49% et celle de Sider à 51%. - Août 2016, Sider El-Hadjar : la société devient algérienne à 100% après la signature de l'accord de transfert de la totalité des actions détenues auparavant par le groupe ArcelorMittal vers le groupe public Imetal.