L'entreprise algérienne est dans la tourmente. C'est ce qu'a constaté, hier, Lachemi Siagh, expert en finances, lors d'une conférence ayant pour thème "Le plan de relance économique : quel rôle pour l'entreprise", organisée par la Confédération algérienne du patronat citoyen. Pour l'expert, tous les voyants sont au rouge. L'expert évoque, entre autres, la dégradation des grands équilibres, budgétaire et monétaire, la fonte des réserves de change... Avec l'effondrement des prix du pétrole et la crise sanitaire, la croissance sera négative et atteindra des taux jamais égalés auparavant. Dans ce contexte difficile, les marges de manœuvre du gouvernement sont très étroites. Les pouvoirs publics ont, certes, pris des mesures fiscales et bancaires, à travers le rééchelonnement de la dette et la facilitation des crédits, pour aider les entreprises, "mais cela reste insuffisant", juge M. Siagh, estimant que ces mesures suffisent, à peine, à maintenir sous perfusion les entreprises. Pour l'expert, pour dynamiser les entreprises, il faut se rendre compte que l'Etat n'a plus les moyens qu'il avait avant. Les entreprises doivent compter sur elles-mêmes. Elles ne doivent plus compter sur les dépenses et la commande publiques. M. Siagh a identifié trois secteurs qui peuvent tirer la croissance. Il cite le secteur de la construction actuellement sinistrée, les services et l'agriculture. "Le secteur de la construction est celui qui peut sauver les meubles aujourd'hui", soutient l'expert financier. Cependant, relève-t-il, il se caractérise par une certaine fragilité. Il souffre, entre autres, d'une crise de débouchés. L'Etat, indique l'expert, peut encore aider les entreprises, en libérant les initiatives, plaide l'expert. Jusqu'à récemment, l'Etat a freiné les investissements privés par la loi et par la multiplication de barrières informelles à l'entrée et par la concentration des ressources dans la sphère publique. Pour autant, le financement du développement de ces secteurs nécessite une reconstruction quasi totale des marchés financiers pour soulager le budget de l'Etat. "L'Etat a toujours marché sur une seule jambe. On a occulté les marchés financiers", a-t-il noté. "La bureaucratie algérienne a toujours été réfractaire à l'éclosion d'autres ressources de financement qui auraient pu soulager le budget", a-t-il ajouté. Il évoque un certain nombre d'instruments financiers. Il estime qu'il n'y a pas de raison que le marché obligataire ne reprenne pas. "On avait levé en l'espace de moins de trois ans plus de trois milliards de dollars", a-rappelé M. Siagh. Ce dernier indique également qu'il avait suggéré "le billet de trésorerie", jugé comme étant "un élément important" pour les entreprises pour financer leurs besoins de fonds de roulement. L'Algérie a construit des millions de logements, mais elle n'a pas créé un marché hypothécaire. Dans certaines économies, le marché hypothécaire constitue jusqu'à 60% du produit intérieur brut. En Algérie, il ne représente que 3%. "Ce n'est pas normal !", a-t-il lancé. L'expert évoque aussi la titrisation, "un moyen de libérer les ressources qui dorment dans les portefeuilles des banques". Cependant, M. Siagh précise que rien ne peut se faire sans la mise en place de règles de bonne gouvernance. Le Dr Mahfoud Kaoubi, général manager IFCG Cabine, estime que le modèle de développement suivi jusque-là, à travers la logique de répartition de la rente, n'a pas permis l'émergence d'entreprises fortes. Selon lui, la baisse de 14,1% de la production industrielle du secteur public durant deuxième trimestre de l'année en cours par rapport à la même période de l'année passée devrait inciter les pouvoirs publics à mettre en place une stratégie rapide de sortie de crise.